pauvres

Nous attribuons généralement à nos idées sur l’inconnu la couleur de nos conceptions sur le connu : si nous appelons la mort un sommeil, c’est qu’elle ressemble, du dehors, à un sommeil ; si nous appelons la mort une vie nouvelle, c’est qu’elle paraît être une chose différente de la vie. C’est grâce à ces petits malentendus avec le réel que nous construisons nos croyances, nos espoirs — et nous vivons de croûtes de pain baptisées gâteaux, comme font les enfants pauvres qui jouent à être heureux.

Fernando Pessoa, « Autobiographie sans événements », Le livre de l’intranquillité (édition intégrale), Christian Bourgois, p. 96.

Guillaume Colnot, 13 juin 2002
indécidabilité

Émancipée du grand héritage tragique, comique et romanesque, la pensée ne sait plus problématiser la vie. Elle ne sait plus en éclairer les contradictions, en explorer les paradoxes, en suivre les tortuosités, en capter les nuances. Elle ne sait plus faire droit à l’ambiguïté des êtres ni à l’indécidabilité des comportements. Spectaculairement ouverte aux différences, mais définitivement fermée aux apories, elle n’est capable, la malheureuse, que de brandir triomphalement la solution du problème humain.

Alain Finkielkraut, L’ingratitude, Gallimard, pp. 200-201.

David Farreny, 6 juin 2004
défaut

Veuillez ne pas régler mon visage

Le défaut est en moi

Ma bouche est une forêt après l’incendie

Mon cœur un petit squelette de poisson

Elles sont belles ces cicatrices

C’est mon visage

La mort est le récit de la mort

La tête qui tombe de la guillotine pense

«  Ce n’est qu’un instant  »

L’animal blessé fuit et la mort court à ses côtés

Ensuite c’est la monotonie intense

Tel un disque rayé

rayé

rayé

Jerzy Skolimowski.

David Farreny, 15 fév. 2010
membrane

Tous ses rapports avec le monde semblent se produire à travers quelque membrane. Cette membrane empêche toute forme de fertilisation. Métaphore intéressante, gros potentiel, mais il ne voit pas où cela peut le mener.

John Maxwell Coetzee, L’été de la vie, Seuil, p. 312.

David Farreny, 8 janv. 2011
rêver

Il fait si froid qu’on ne peut s’arrêter nulle part, ni rêver ; la rêverie est prise dans la marche : une rêverie obstinée, de la pensée, plutôt, à l’état naissant, prête à bondir vers la joie ou la tristesse où elle se défait.

Richard Millet, Eesti. Notes sur l’Estonie, Gallimard, p. 68.

David Farreny, 4 sept. 2012
simplement

— Et vous, que faites-vous ?

— La même chose que le serveur de Pest qui prend huit commandes de café à la fois. L’un des clients commande le café clair et tiède, l’autre noir et brûlant, le troisième noisette et froid, et le serveur crie au garçon de comptoir : « huit cafés ! » tout simplement.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 103.

Cécile Carret, 22 juin 2013
relatives

Monsieur Songe est né méditatif. Il intervertit les images ou les confond suivant les yeux qu’il ouvre, ceux du dehors ou ceux du dedans. D’où les invraisemblances relatives aux paysages qui lui sont familiers.

Une aquarelle très fluide pour suggérer les illusions de la mémoire.

Cette minute présente.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 27.

Cécile Carret, 7 déc. 2013

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