Par
1 000 m de fond
l’émerveillement gît
Jean-Pierre Georges, Passez nuages, Multiples, p. 22.
Langre accélérait sur la rocade, gonflé par les rayons du jour qui déclinait comme des forces. […] Langre roulait. Langre doublait, Langre tapotait parfois le klaxon qui poussait un cri de poule artificielle.
Luc Blanvillain, Olaf chez les Langre, Quespire, p. 99.
Les maisons qui nous tournent le dos comme un jeu de dominos
nous montreront leurs jardinets au moment de quitter la ville :
des trampolines pour enfants, des gibets de basket
et une fureur d’algues verdissantes
dans la pataugeoire où un ballon dégonflé
n’est pas sans me rappeler les nymphéas de Monet à Giverny,
mouchetés de soleil. Et puis plus rien.
Le bleu du ciel, sans esprit de suite.
Deux minutes. Et ces pinces à linge sur un fil :
des guillemets enserrant l’après-midi vacante.
Patrick McGuinness, « Marbehan », « Théodore Balmoral » n° 61, hiver 2009-2010, p. 161.
je partant voix sans réponse articuler parfois les mots
que silence réponse à autre oreille jamais
si à muet le monde pas de bruit
fonce dans le bleu cosmos
plus question que voyage vertical
je partant glissure à l’horizon
tout pareil tout mortel à partir du je
à toutes jambes fuyant l’horizon
enfin n’entendre que musique dans les cris
assez assez
exit
entrer né sur débris à peine reconnu le terrain
émergé de vase salée le fœtus sorti d’égout
plexus solaire rongé angoisse diffusant poumons souffle
haletant
Danielle Collobert, « Survie », Œuvres (1), P.O.L., p. 415.
Il y a quelque chose qui m’a toujours étonné. C’est la difficulté qu’on éprouve à se trouver des défauts. Et comme ceux des autres nous sautent aux yeux. La sincérité envers soi-même, ce n’est sans doute pas autre chose que ce regard d’un autre en soi, regard rarement bien placé, changeant, « objectif ». On éprouve l’impression de sincérité quand l’angle est bon, c’est-à-dire écartelant.
Georges Perros, « Feuilles mortes », Papiers collés (3), Gallimard, p. 267.
Rentrer, c’est toujours plus ou moins regagner sa niche, la queue entre les pattes. Ce n’est pas très glorieux. Preuve que le vent du large n’a pas voulu de nous, qu’il ne nous a pas déposés sur le rivage d’un nouveau monde. Niche, sweet niche. Mon coussin, ma balle. Et pourtant, nous rentrons soulagés, bien contents d’en avoir fini avec le dérangement du voyage. Comme il fut long et douloureux, cet exil normand, et comme cela va être doux de revoir la tête de la boulangère (avec ses bonnes joues et la boule de son petit chignon, ne dirait-on pas la maman brioche ?).
Puis nous avons fait le plein de sensations fortes. Nous aspirons à la quiétude.
Tout de même, nous n’oublierons pas la brûlure du soleil ni la fraîcheur des sorbets.
Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 32.