clavecin

Le foie gras. On l’étale

sur des toasts. Délicat, onctueux

Le clavecin de toutes les cirrhoses

La sainte vierge en culotte de velours

Alain Malherbe, Diwan du piéton, Le Dé bleu.

David Farreny, 20 mars 2002
curatif

L’art, l’art authentique, dont l’objet est près de la source même de l’art (c’est-à-dire dans les lieux nobles et déserts — et certainement pas dans le vallon surpeuplé des effusions sentimentales), a dégénéré en notre sein pour tomber à un niveau qui est hélas celui du lyrisme curatif. Et, bien que l’on comprenne la soif de chercher une voie publique pour soulager un désespoir personnel, il faut rappeler que la poésie reste étrangère à une telle aspiration ; les bras de l’Église ou ceux de la Seine ont plus de compétence en la matière.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 252.

David Farreny, 13 avr. 2002
jeter

Que faire de tout cela ? Le jeter ?

Renaud Camus, « dimanche 31 mars 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, p. 83.

David Farreny, 3 juil. 2005
lente

L’imbécillité de l’herbe.

L’intelligence de l’herbe.

Les lentes bêtes brouteuses.

Rien. Le temps. Les vaches. Rien.

L’imbécillité, la lente

Intelligence de l’herbe.

Rien. Le temps. Les vaches. L’herbe

Et sa lente intelligence.

Norge, « J’écoute brouter à Lupetière », Poésies 1923-1988, Gallimard, p. 207.

David Farreny, 24 sept. 2006
arête

De nouveau la peine, le gouffre béant dont notre chemin suit l’arête.

Pierre Bergounioux, « vendredi 25 septembre 1981 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 74.

Élisabeth Mazeron, 13 sept. 2008
possibles

Résumé de ma vie :

1) les Anglais sont les seuls étrangers possibles,

2) il y a encore des Anglais, mais plus d’Angleterre.

Ceci est le fruit de 70 ans d’expérience anglaise. Amen !

Paul Morand, « 15 mai 1972 », Journal inutile (1), Gallimard, p. 711.

David Farreny, 5 juin 2009
éternité

Eh bien chez ce dentiste où je vais il y a quelque chose qui m’aide énormément dans la salle d’attente, au point que je ne m’ennuie pas du tout : il y a un aquarium. Un aquarium très beau, un aquarium d’eau de mer, avec de très jolis poissons bien sûr, mais surtout des coraux vivants, des sortes de couronnes d’antennes soyeuses et souples qui bougent, caressées, frôlées par les poissons qui passent. Et ce qui est extraordinaire, si on regarde ça un peu attentivement, c’est qu’il y a une contamination. Ils vivent dans un autre temps. À l’intérieur de cette boîte, il se passe des choses d’un univers qui n’est pas le mien. Bien que ce soit sous mes yeux. À un mètre de moi, il y a un univers qui n’est pas le mien, où des « vivants » – des vivants, je ne peux pas dire autrement – se promènent, évoluent, palpent. Pour l’essentiel, c’est ce qu’ils font : ils palpent. Donc, à l’intérieur, de ce petit mètre cube, ils sont dans une exploration éternelle, ou dans une attente, un suspens. C’est un peu comme une maquette d’éternité, cet aquarium, une maquette de l’éternel retour du même. Trois semaines après, un an après, les poissons font les mêmes danses. Bien entendu, ces poissons, ces coraux sont périssables, mais quand même, le temps dans lequel ils sont est un temps où la tension qu’il y a entre la fluidité et le rythme semble résolue. C’est pour ça que ça ressemblerait à quelque chose qui s’appellerait l’éternité. Comme s’ennuyer devant une petite maquette d’éternité ? On regarde, on regarde et on s’abîme, on s’abîme dans cette pensée, dans cette extraordinaire fluidité.

Je crois que la mémoire est comme un aquarium invisible. Une piscine, une citerne où il y aurait des sortes de coraux comme ça, en attente, des tas de poissons, des milliers, des centaines de milliers de poissons, qui se promènent dans une sorte d’invisibilité. Et par moment, de ces bancs, des éléments se détachent parce qu’un reflet de l’autre monde, du monde extérieur, du monde « vrai », est venu les appeler, les éveiller.

Il y a là pour moi des possibilités de divagation infinies qui, en effet, ont une fonction de distraction et d’évasion, mais qui sont toujours au travail, toujours à l’œuvre lorsqu’il s’agit de l’éveil, lorsqu’il s’agit de l’intelligibilité du passé et du deuil. C’est seulement avec ces connexions-là, telles qu’elles sont libérées dans le monde fluide de la mémoire, qu’on peut avancer, voir, voir mieux, voir plus loin.

Jean-Christophe Bailly, Tout notre temps troublé (entretien pour L’Impossible n° 9, novembre 2012), p. 60.

Cécile Carret, 15 déc. 2012
opprime

Durant l’enfance, quand aucune impression ni émotion n’est encore devenue ordinaire, l’été, avec les déplacements qu’il amène, les profonds changements dans les habitudes de la journée, les fréquentes solitudes et les isolements qu’il impose, avec, à pic au-dessus de la maison, les hauts silences écrasants ou dehors, dans la campagne, ce bourdonnement infini et ce lointain bruissement, suscite dans le cœur un égarement pareil à une blessure. L’enfant sent qu’est en train de passer sur la terre quelque chose d’énorme, d’impérieux et de vague qui, dans les hommes, les animaux et les plantes, opprime et charme la vie.

Mario Luzi, « Été, enfance », Trames, Verdier, p. 27.

David Farreny, 26 fév. 2013
zone

La mystérieuse zone du plafond qu’on désigne en levant le bras pour enfiler son manteau.

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 106.

David Farreny, 29 mars 2013
rôle

100 millions d’Américains ont pris 40 kilos pour le rôle.

Éric Chevillard, « vendredi 2 mai 2014 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 2 mai 2014
trottinette

Que fait ce galopin sur une trottinette ?

Éric Chevillard, « vendredi 15 janvier 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 7 mars 2016

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