imposé

Marbœuf n’a pas encore quarante ans. Il est à la moitié de sa vie et a déjà imposé l’idée qu’il ne faudrait attendre aucun livre de lui.

Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres, Hazan, p. 65.

David Farreny, 14 avr. 2002
louche

Les crêtes, les ravins, les fronces de la zone métamorphique, l’eau glacée qui sourd, les étangs de plomb, les tourbières, la clarté louche que filtre le taillis, les rampes bossuées dissuadent d’aller.

Pierre Bergounioux, « Sauvagerie », Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 16.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
mécanique

J’ajoute que cette passion ne s’appliquait pas à la haute montagne ; celle-ci m’avait déçu par le caractère ambigu des joies pourtant indiscutables qu’elle apporte : intensément physique et même organique, quand on considère l’effort à accomplir ; mais cependant formel et presque abstrait dans la mesure où l’attention captivée par des tâches trop savantes se laisse, en pleine nature, enfermer dans des préoccupations qui relèvent de la mécanique et de la géométrie. J’aimais cette montagne dite « à vaches » ; et surtout, la zone comprise entre 1400 et 2200 mètres : trop moyenne encore pour appauvrir le paysage ainsi qu’elle fait plus haut, l’altitude y semble provoquer la nature à une vie plus heurtée et plus ardente, en même temps qu’elle décourage les cultures.

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Plon, p. 405.

David Farreny, 29 nov. 2003
pédagogie

La pédagogie a tellement infecté l’humanité que les nihilistes eux-mêmes ne peuvent pas vaincre leurs instincts didactiques. Jusqu’aux suicidaires qui veulent nous apprendre quelque chose, n’est-ce pas ?

Emil Cioran, « Personne n’existe », Solitude et destin, Gallimard, p. 408.

David Farreny, 24 juin 2005
égards

Entre l’exigence d’être clair et la tentation d’être obscur, impossible de décider laquelle mérite le plus d’égards.

Emil Cioran, « Aveux et anathèmes », Œuvres, Gallimard, p. 1720.

Élisabeth Mazeron, 4 juil. 2005
contrariété

On vient au monde avec une prémonition, non pas, bien sûr, de sa teneur mais de son principe, de ce qu’une chose doit être. On s’attend à ce qu’elle ne se trouve pas au même endroit qu’une autre au même moment et que chaque moment vienne à son heure — le soir le soir, mai en mai — et pas n’importe quand, pêle-mêle. C’est sans doute qu’on n’est pas les premiers. D’autres ont tenté, avant nous, l’aventure et comme, au début, on n’est rien qu’eux, on a le pressentiment ou le ressouvenir de la distinction qui fait qu’une pierre n’est pas un poisson, l’eau, qu’il habite, au bas du paysage, le ciel par-dessus, etc. Mais quand la vie est prise dans des plis, que la terre, en se fronçant, a rapproché les contraires et souvent les confond, il n’y a guère qu’un mot pour contenir l’expérience du paysage : c’est la contrariété.

Pierre Bergounioux, Le chevron, Verdier, p. 19.

Élisabeth Mazeron, 3 mars 2008
tant

Qu’importe d’ailleurs : si on marche, c’est que quoi faire d’autre. Je n’aime pas du tout qu’on m’arrête par le coude, qu’on me demande ce qu’il en est du bonheur : j’en ai ma part, je ne suis pas sûr qu’elle me serve tant.

François Bon, « Ce qu’il en est du bonheur », Tumulte, Fayard, p. 462.

David Farreny, 1er mai 2008
choses

16. Choses que l’on méprise

Une maison dont la façade est au nord.

Une personne dont les gens connaissent la trop grande bonté.

Un vieillard trop âgé.

Une femme frivole.

Un mur de terre écroulé.

Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard, p. 52.

David Farreny, 11 mai 2010
articuler

je partant voix sans réponse articuler parfois les mots

que silence réponse à autre oreille jamais

si à muet le monde pas de bruit

fonce dans le bleu cosmos

plus question que voyage vertical

je partant glissure à l’horizon

tout pareil tout mortel à partir du je

à toutes jambes fuyant l’horizon

enfin n’entendre que musique dans les cris

assez assez

exit

entrer né sur débris à peine reconnu le terrain

émergé de vase salée le fœtus sorti d’égout

plexus solaire rongé angoisse diffusant poumons souffle

       haletant

Danielle Collobert, « Survie », Œuvres (1), P.O.L., p. 415.

Bilitis Farreny, 2 août 2010
esprit

On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l’esprit y est visible et son action partout présente. Il en est ainsi de ce pays  ; dans le déroulement des saisons, dans le service des dieux et dans la vie humaine, aucune fête n’est concevable sans la poésie.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 55.

Cécile Carret, 27 août 2013
mensonge

Passé le Torne-Träsk, on entre en Laponie norvégienne. Le chemin de fer, qui traversait des eaux dormantes et un désert pierreux, s’engage brusquement sur la paroi d’un fjord. En bas, tout en bas, au-dessus de la vague glauque, des hameaux s’accrochent à la montagne verdoyante. Le paysage est grand, abrupt, touché çà et là de douceur humaine, et, jusque dans sa raideur, d’une jeunesse impétueuse. On débouche sur le port de Narwick, petite ville que la Norvège vient de jeter là comme un appeau brillant aux minerais de la Suède, et on s’embarque pour les îles Lofoten.

Elles nous apparurent dans la nuit. Nous vîmes se dresser, barrant l’horizon, une chaîne ininterrompue de hautes montagnes crénelées, effilées, déchiquetées, sculptées, gothiques. Elles étaient d’un gris bleu avec des lueurs de soleil ou de neige et de petits nuages ourlés de feu entre leurs dents aiguës. Tout l’archipel se mirait sur une mer d’un vert de métal, comme s’il eût été suspendu dans une clarté diaphane. Le navire se glissa par d’énormes brèches, longea des corridors, doubla des murailles de granit, nous promena toute la nuit dans un aquarium de pierre, d’écume, de mousses luisantes et d’algues d’or. Nous nous aperçûmes que le jour naissait aux plis d’ombre qui se creusaient sur les rochers. L’inégalité de la lumière nous avertissait que la nuit était passée. L’obscurité commençait à rétrécir les couloirs ; mais les crêtes et les rampes où frappait le soleil revêtaient le mensonge brillant de la vie.

André Bellessort, La Suède, Perrin.

David Farreny, 13 janv. 2015
tréfonds

Il y a pourtant tout ce qui piaffe au tréfonds d’une cellule bétonnée connue-inconnue de soi seul.

Jean-Pierre Georges, « Bonheur à suivre », Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, p. 59.

David Farreny, 29 juil. 2016
savoir

Puis le médecin légiste mourut à son tour, sans savoir où, quand, comment ni pourquoi.

Éric Chevillard, « mardi 17 septembre 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 8 mars 2024

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