signe

Tu as peur quand tu penses à la mort ? Je n’ai qu’une effroyable peur de souffrir. C’est mauvais signe. Vouloir la mort sans la souffrance est mauvais signe.

Franz Kafka, Lettres à Milena, Gallimard, p. 246.

David Farreny, 24 mars 2002
courrier

Au courrier : un magazine mutualiste.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 35.

David Farreny, 19 nov. 2006
d’emblée

La mort est d’un commerce embarrassant, autant le reconnaître d’emblée.

Renaud Camus, Onze sites mineurs pour des promenades d’arrière-saison en Lomagne, P.O.L., p. 172.

David Farreny, 2 avr. 2007
thé

En face de moi, un bol de thé. [Interruption : bu le thé.]

Renaud Camus, « jeudi 17 mars 1977 », Journal de « Travers » (2), Fayard, p. 1582.

David Farreny, 1er mars 2008
excellent

Soleil à 9 h du soir, qui devient chaud vers 10 h. Ces crépuscules interminables comme on en voit d’avion, l’été, en allant en Amérique. La marée basse, les longues laisses noires des récifs noircis par le varech humide, qui n’ont jamais le temps de sécher, entre deux marées. Les bateaux échoués, qui dorment sur le côté, leur mât qui se relève du sable, avec le flot ; les caps, nez allongé comme crocodiles en sommeil, des îles apparaissent, insoupçonnées. À 10 h, un soleil rouge comme bombe atomique descend dans une eau calme d’étang ; où la marée va-t-elle trouver la force de se gonfler de 7 mètres de haut ; elle s’arrête au même endroit, excellent, au bord du sable chaud et blanc.

Paul Morand, « 22 juin 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 555.

David Farreny, 6 sept. 2010
lune

Tout près du clocher de l’église Saint-Étienne et d’un seul coup, comme si on avait appuyé quelque part sur un bouton secret, la lune a surgi entre les nuages, et le choc de sa puissante et lugubre clarté a comme fait vibrer toute la ville endormie.

Dezsö Kosztolányi, Alouette, Viviane Hamy, p. 169.

Cécile Carret, 4 août 2012
mot

Le lecteur, dans ces après-midis passés sur le haut plateau, ne cessait de payer un tribut toujours renouvelé à l’épopée – et aussi de rire : non du rire par lequel on se moque, mais de celui qui accompagne la découverte et le jeu. Oui, il existait, le mot unique pour le coin de clarté dans un ciel nuageux, les folles allées et venues des bovins quand le taon les pique par temps de canicule, le feu qui soudain jaillit du poêle, le jus des poires cuites, la tache sur le front d’un taureau, l’homme qui essaie de se dégager de la neige à quatre pattes, la femme qui met ses robes d’été, le clapotis du liquide dans un seau à moitié vide, le ruissellement de la semence quittant la capsule du fruit, le ricochet du galet à la surface de l’étang, les langues de glace sur l’arbre hivernal, l’endroit trop cru de la pomme de terre bouillie et la flaque sur un sol argileux. Oui, c’était cela, le mot !

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 162.

Cécile Carret, 21 sept. 2013
who

On a pris le thé : en trente-quatre ans de la vie de Madu, c’était la première fois, ainsi aux portes de Bombay, qu’un blanc entrait au village. Et des têtes passaient à la porte, se découpant à contre-jour : « My friend Bonn, of America… » À la troisième ou quatrième fois, je lui ai demandé pourquoi l’Amérique. Que moi c’était la France, en Europe : « Because, for us in India, atcha : America and Latin America, same thing… » Et parce qu’on était dans la confidence, une dizaine de bonshommes par terre et la chaise vide au milieu, il m’a demandé comment je priais Jésus. J’ai dit ne pas prier. « Atcha. I know that. I pray at morning, before my wash. Ad you, that’s Sunday, only at Sunday… » J’ai dit encore que non. « So, you’re a jew ? » Que non encore. Alors sa voix : « Listen : but who brings you happiness ? »

François Bon, Les Indes noires.

David Farreny, 23 sept. 2013
photographié

Ordinairement, le sujet photographié est pris en traître dans la stupéfaction de l’instant. Un visage unique parmi tous ceux que l’on peut lui voir à travers la vitre du train de ses pensées. Pourquoi celui-ci ?

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 72.

Cécile Carret, 11 fév. 2014
été

Mais mon récit est un terrain vague sur lequel je ne sais que récolter les quelques lambeaux de ma mémoire. J’ai voulu mettre ma confiance en l’amour, moi aussi, et je suis comme un pauvre type, à l’aube, qui sort d’un casino où il a tout misé et tout perdu. Il fait froid. Je suis fatigué. Je ne possède plus rien qu’un corps éreinté, laminé, le vent souffle, je voudrais dormir mais le monde est trop bruyant. Je me souviens de l’été qui ne reviendra pas. Avoir été. Je n’ai plus qu’une chose : le récit de l’été, de l’avoir été, des lilas en fleurs et des roses, du seringat devant la fenêtre de la cuisine. Je le veux encore. Réciter, c’est-à-dire écrire sous la dictée du corps vieillissant, dont une partie se rebelle contre sa fin programmée. Comme un enfant de dix ans qui refuse de céder la place au vieillard, parce qu’il veut encore apprendre et découvrir les secrets que le monde prétend garder par devers lui. « En amour, nous ne nous rendons compte que trop tard, si un cœur ne nous était que prêté, ou nous était offert, ou bien alors sacrifié. »

On aura beau faire, on ira jusqu’à la fin. On traversera les temps inconnaissables et ceux qui remontent de la voix perdue à travers l’oubli et le désespoir. La clarinette et la flûte se croisent sans se reconnaître, comme les femmes pressées qui ont traversé notre existence : elles aussi se sont fanées, mais leurs derniers parfums sont les plus déchirants, appels désespérés et perdus dans les péripéties biologiques qui vont les étreindre et les terroriser.

Jérôme Vallet, « Terrain vague », Georges de la Fuly. 🔗

David Farreny, 19 mars 2024

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