coffre

Quand le coffre s’ouvre, il emporte ma main avec lui.

Nathalie Quintane, Remarques, Cheyne, p. 11.

David Farreny, 27 août 2006
mort

       Or à jamais tu dormiras,

Cœur harassé. Mort est le dernier mirage,

Que je crus éternel. Mort. Et je sens bien

Qu’en nous des chères illusions

Non seul l’espoir, le désir est éteint.

Dors à jamais. Tu as

Assez battu. Nulle chose ne vaut

Que tu palpites, et de soupirs est indigne

La terre. Fiel et ennui,

Non, rien d’autre, la vie ; le monde n’est que boue.

Or calme-toi. Désespère

Un dernier coup. À notre genre le Sort

N’a donné que le mourir. Méprise désormais

Toi-même, la nature, et la puissance

Brute inconnue qui commande au mal commun,

Et l’infinie vanité du Tout.

Giacomo Leopardi, « À soi-même », Chants, Flammarion, p. 201.

David Farreny, 10 juin 2009
fiabilité

C’est agréable de laisser filer le temps avec toi. Nous nous racontons des bêtises dans des cercles restreints, toujours les mêmes, tu me donnes raison, toujours sur les mêmes points, et tu me donnes tort, toujours sur les mêmes points, je te coupe la parole, toujours aux mêmes endroits, je te laisse poursuivre ton discours dans le vide, toujours aux mêmes endroits, encore et encore, toujours pareil, ça vous rassure, ça vous rend heureux, cette certitude, cette fiabilité, cette familiarité. Et nous nous réveillons et disons les mêmes choses, et nous nous endormons après avoir dit les mêmes choses, et parfois vient s’y ajouter une nouvelle pensée qui nous surprend, une nouvelle tournure qui nous plaît…

Matthias Zschokke, Maurice à la poule, Zoé, p. 239.

David Farreny, 11 mars 2010
céder

On ne connaît qu’une méthode pour se soulager de la hantise amoureuse : y céder.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 184.

Cécile Carret, 9 mars 2014
cou

La conversion de malfaiteurs avant leur exécution peut être comparée à une espèce de gavage : on les engraisse spirituellement et, afin qu’ils ne rechutent plus, on leur coupe ensuite le cou.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 183.

David Farreny, 5 déc. 2014
coups

Je m’étais souvent demandé si Carl était mauvais, ou pervers, ou torturé au point d’exercer sa vengeance comme une grammaire, à chaque détour de phrase, et dans quelle mesure elle pouvait se contenir dans les mots. À l’écrit, ceux qu’il employait dans son métier de critique étaient eux-mêmes des débordements, où sa vision du cinéma véhiculait moins des avis tranchés que des condamnations sans appel, dont les victimes se relevaient souvent mal. À l’oral aussi, ses mots semblaient lestés d’une charge trop lourde, que le décalage de leur sens déséquilibrait, ils portaient plus loin que nécessaire, on les recevait comme des coups. À quel moment Carl pouvait sortir de leur cadre, il était impossible de le savoir.

Christian Oster, Massif central, L'Olivier, p. 13.

David Farreny, 28 fév. 2024
dénuement

Je n’étais pas trop accoutumé à marcher sur de longues distances, et je me suis aperçu que ce n’était pas si terrible, en tout cas au début, avec de bonnes chaussures, or j’avais de bonnes chaussures. Je m’échauffais, et, n’eût été le bruit des roulettes sur le bitume, qui était un peu comme la musique de fond de ma progression vers nulle part, je me serais senti presque bien. J’ai failli abandonner la valise dans un fossé et je me suis ravisé. Avec une sorte d’amertume, j’ai noté que je ne renonçais pas à toute prévoyance et que ce n’était sans doute pas bon signe. J’avais, selon toute apparence, encore un problème avec le dénuement.

Christian Oster, La vie automatique, L'Olivier, p. 11.

David Farreny, 22 mars 2024

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