Un Hindou adorerait un mur plutôt que de ne rien adorer du tout. Il le ferait. Ce lui est possible.
Henri Michaux, « Idoles », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 695.
Ma chambre donne sur un volcan.
La fenêtre de ma chambre donne sur un volcan.
Enfin un volcan.
Je suis à deux pas d’un volcan.
Il y avait dans notre propriété un volcan.
Volcan, volcan, volcan.
Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 161.
Je déteste les drogues. Mes hallucinations habituelles sont bien assez monstrueuses, Hadès en soit loué ! Objectivement considéré, je n’ai jamais vu un esprit aliéné plus lucide, plus solitaire et plus équilibré que le mien.
Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 148.
Je commence à trouver suspects bon nombre de nos jeunes.
Emil Cioran, « Les limites de la mobilité intérieure », Solitude et destin, Gallimard, p. 241.
Être seul, se débrouiller seul devient un tour de force inattendu… réalisé avec dégoût. Période est venue où la Solitude se paie.
Henri Michaux, « lettre à Vincent de la Soudière (3 septembre 1980) », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. LXX.
Reste la possibilité d’aller faire un tour dans le jardin qui est un espace à trois côtés, herbu, pentu, bombé comme un triangle de fille.
Jean Echenoz, Ravel, Minuit, p. 65.
C’est sur un fond incertain, fallacieux, comme la tourbe au creux des combes, que s’avance la réalité quand, d’aventure, elle consent à se manifester et l’on tremble qu’elle ne nous quitte. On ne connaît pas vraiment la paix.
Pierre Bergounioux, Le chevron, Verdier, p. 46.
Je sens me reprendre les impatiences cuisantes, la fureur sombre, et qu’il fallait contenir, de surcroît, que m’ont inspirées, d’emblée, tant de proches dont je jugeais déjà les pensées aberrantes, les agissements dérisoires, inutiles, les sentiments infantiles, quand ils ne contrevenaient pas à l’évidence lumineuse de la loi morale.
Pierre Bergounioux, « dimanche 17 juillet 1988 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 708.
Ainsi la métaphore, dès lors qu’elle s’impose en usage, se mue en cliché, en stéréotype qui est la glu de la langue ; le stéréotype colle les mots à leur signification courante dans une expression repliée sur elle-même, il les entrave au point qu’on ne les entend plus, réduits qu’ils sont à la transparence de spectres sonores. Ce mouvement mortifère nie du même coup toute possibilité concrète d’existence dans les représentations collectives autant qu’individuelles de l’émotion particulière que le cliché prétendait exprimer mais qu’il enferme dans cette camisole de l’expression : la transparence des mots qu’il provoque entraîne de facto la transparence de ce qu’ils signifient, et en premier lieu l’émotion, au seul profit de l’ordre collectif, qui raffole des émotions, mais ne les tolère que dirigées et programmées (qu’elles soient religieuses, nationalistes ou médiatiques).
Bertrand Leclair, Théorie de la déroute, Verticales, p. 19.