poules

Les poules ne pondent pas d’œuf. Personne ne pond. Il n’y a pas moyen. Elles les déterrent.

Henri Michaux, « En marge de Qui je fus », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 132.

David Farreny, 23 mars 2002
vérité

D. un soir à Montluçon, of all places, au dos de la reproduction d’une icône (car la vérité n’a aucun souci de vraisemblance) : « Thanks for a beautiful day. On souviendra… ». Ce qui déchire le cœur et les années, c’est la faute de français.

Renaud Camus, « vendredi 13 juin 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 501.

David Farreny, 9 août 2005
écorchées

Il y avait les ouvrages de géographie aux couleurs fallacieuses et suaves, les plaines roses et les monts outremer, les départements jaune soufre et les archipels de neige, un traité de mécanique en trois tomes illustré de gravures sur acier, pourvu de dépliants qui s’ouvraient, comme des ailes, sur des steamers en coupe et des locomotives écorchées, un volume d’anthropologie montrant les insulaires des Salomon et les nomades du Kalahari qui nourrissait mes lectures d’évasion, et puis les volumes aux plats ornés d’un buste de la République aux yeux étincelants, de drapeaux, d’astérisques aux branches aiguës, inégales, dorées, représentant des explosions.

Pierre Bergounioux, Le bois du Chapitre, Théodore Balmoral, pp. 21-22.

David Farreny, 21 oct. 2005
vaurien

De tous mes pensionnaires, le cancrelat est le plus inoffensif et le plus irritant. Le cancrelat est un vaurien. Il n’a aucune tenue dans ce monde ni dans l’autre. Plutôt qu’une créature c’est un brouillon. Depuis le pliocène il n’a rien fait pour s’améliorer. Ne parlons pas de sa couleur de tabac chiqué pour laquelle la nature ne s’était vraiment pas mise en frais. Mais ces évolutions erratiques, sans aucun projet décelable ! ce port de casque subalterne et furtif, cette couardise au moment du trépas !

Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, Payot, p. 103.

Élisabeth Mazeron, 23 avr. 2008
impossible

Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même car je suis bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier.

En ce qui me concerne, je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l’apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent je n’atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d’un souffle de vent dans la cime d’un arbre, je me dépêche de m’emparer de ma victime.

Qu’ai-je alors entre mes bras ?

Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux. Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l’effroi à bander. Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté. Puisque je suis menacé par la mort : un animal vivant et bien chaud, un cœur qui bat de façon sarcastique. Puisque je suis menacé par la mer : un récif de granit bien dur.

Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, Actes Sud, pp. 11-12.

David Farreny, 9 nov. 2012
dépris

Si connaître une chose consiste à en relever les contours, on voit quel bénéfice associé s’ensuit. Pour vaste et ramifiée qu’elle soit, elle finit forcément quelque part. Où cesse son empire, on peut commencer. J’ai pensé que si je comprenais pourquoi le séjour du pays natal me tirait vers les heures mortes, la tristesse, j’échapperais dans une certaine mesure à leur empire parce que je ne serais plus le même. Je ne subirais plus, par faute de distinguer. Je saurais. Je serais celui qui, pour comprendre, s’est mis à part, dépris.

Pierre Bergounioux, Géologies, Galilée, pp. 17-18.

David Farreny, 7 juin 2013
pointer

À se demander toutefois si notre sensibilité n’est pas cette antenne qui en toute situation va pointer avec précision la zone d’inconfort, d’angoisse et de malaise.

Éric Chevillard, « jeudi 17 juillet 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014
genre

Tous ceux que tu délaisses t’accusent d’inhumanité.

Ils croient qu’il suffit d’être quitté pour devenir le genre humain.

Philippe Muray, « 6 janvier 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 13.

David Farreny, 23 fév. 2024

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