intérêt

Quand la vérité n’a pas grand intérêt, le mensonge est légitime.

Philippe Jaenada, La grande à bouche molle, Julliard, p. 57.

David Farreny, 14 avr. 2002
maître

Les buissons d’un minuscule jardin sont devenus si hauts et si touffus qu’on peut à peine se glisser jusqu’au croisement des deux courtes allées. Un escalier aux marches descellées descend vers une pièce d’eau couverte de morènes. Noirceur du labyrinthe de poche, longues ombres des deux vieux cyprès, soleil pâle — je n’aime rien tant que ces maisons abandonnées et leurs jardins solitaires, dont je suis le maître par amour, par attention, par absence au monde, le temps d’un allongement sur la murette. Même les chiens paraissent entendre des voix éteintes, et les rires d’enfants morts. Ils s’avancent sur la pointe des pattes, comme si à tout instant quelqu’un allait pousser les volets et s’étonner de leur présence, et de la mienne.

Mais non, nous sommes bien seuls.

Renaud Camus, « mardi 10 février 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 69.

David Farreny, 22 fév. 2004
hangar

C’est assez simple : dès qu’il y a de l’homme, il y a du hangar.

Renaud Camus, « jeudi 21 février 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, p. 43.

David Farreny, 3 juil. 2005
vide

Pour tromper son vide, battre son plein.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 65.

David Farreny, 19 nov. 2006
partie

Personne ne se remet d’avoir été un jour récusé par sa mère ; encore moins quand devenue mère on récuse à son tour son fils en fictionnant dans l’enfer de son inconscient que la partie jouée par un autre permettra de ne plus jouer la sienne. Ce serait si simple… Ni le mari, ni les enfants, ni la famille n’offrent ce que seul permet un recentrage de soi par le sujet blessé. Comment pour ma mère exister sereinement avec en elle une plaie de laquelle un sang coule depuis le portail de l’église ? Pour guérir, il faut d’abord un diagnostic auquel consentir.

Michel Onfray, La puissance d’exister, Grasset, p. 17.

Élisabeth Mazeron, 15 janv. 2007
débruti

Il faut briser là, revenir en arrière, trouver, s’il existe, un angle différent pour aborder la fin d’un monde, la destruction de soi, la perte de tout et l’effort pour renaître. D’avoir fait fausse route me vaut un accès d’intense tristesse. Avec ça, les fatigues mal ressuyées de juillet, la chaleur m’accablent. Me fais à moi-même l’effet d’un objet pesant et mal débruti, d’un instrument grossier, impropre à l’usage auquel je prétends le faire servir.

Pierre Bergounioux, « samedi 6 août 1994 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 459.

David Farreny, 12 déc. 2007
révèlent

Réveillé à six heures du matin aujourd’hui, à deux heures de l’après-midi hier ; entrant donc dans la journée à l’improviste, suis resté frappé de ce que les premiers beaux jours révèlent des destinées tout autres, très lisibles, qui auraient pu être les nôtres si tout avait mieux tourné, absolument comme les vues aériennes en période de sécheresse permettent de révéler des substructions antiques.

Gérard Pesson, « samedi 9 mai 1998 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 296.

David Farreny, 27 mars 2010
engendrement

À la lumière, par conséquent, fait défaut l’unité concrète avec soi que la conscience de soi possède en tant que point infini de l’être-pour-soi ; et c’est pourquoi la lumière est seulement une manifestation de la nature, non pas de l’esprit. C’est pourquoi, deuxièmement, cette manifestation abstraite est en même temps spatiale, absolue expansion de l’espace, et non pas la reprise de cette expansion dans le point d’unité de la subjectivité infinie. La lumière est dispersion spatiale infinie, ou, bien plutôt, infini engendrement de l’espace.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Des manières de considérer la nature (additions) », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, p. 394.

David Farreny, 28 fév. 2011
sauvé

Il n’en est pas de même pour mon compagnon de cellule, c’est un homme inflexible, un ancien capitaine. Je peux parfaitement me représenter sa disposition d’esprit. Il pense que sa situation ressemble à peu près à celle d’un explorateur polaire qui est pris sans espoir quelque part dans les glaces, mais qui sera certainement sauvé, ou plus exactement, qui est déjà sauvé, comme on l’apprend en relisant l’histoire des expéditions polaires. Et il s’ensuit le dilemme suivant : le fait qu’il sera sauvé est pour lui indubitablement indépendant de sa volonté, il sera sauvé tout simplement par le poids de sa personnalité triomphante, mais doit-il le désirer ? Qu’il souhaite ou non quelque chose, cela ne changera rien, il sera sauvé, mais reste à savoir s’il doit encore le souhaiter. C’est de cette question en apparence tellement étrangère au fond qu’il s’occupe, il la médite, il me l’expose, nous en discutons. Il ne comprend pas que cette manière de poser le problème scelle définitivement son destin.

Franz Kafka, « Pour dire la vérité… », Œuvres complètes (2), Gallimard, pp. 608-609.

David Farreny, 21 déc. 2011
riches

Ils me regardent comme si j’étais en train d’accomplir des actes riches en enseignements. Tel n’est pas le cas. Je suis en train de crever, c’est tout.

Michel Houellebecq, « Loin du bonheur », Configuration du dernier rivage, Flammarion, p. 24.

David Farreny, 17 avr. 2013
œuvres

Mais nous ne pouvons ici-bas espérer de rien parachever, et bienheureux l’homme chez qui la volonté ne passe point tout entière dans le douloureux effort. Nulle maison n’est bâtie, nul plan n’est tracé, où la perte future ne soit la pierre de base, et ce n’est point dans nos œuvres que vit la part impérissable de nous-mêmes.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 164.

Cécile Carret, 27 août 2013
respect

Ce respect pour des poètes que l’on ne comprend pas et que, malgré tout, l’on veut atteindre, est la source de nos méchantes littératures.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 113.

David Farreny, 23 oct. 2014

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