déconner

Il dévorait des yeux la belle fouteuse, et il tira ainsi trois coups sans déconner.

Anonyme du XVIIIe siècle, Le Tartuffe libertin ou le triomphe du vice, Séguier, p. 33.

Hubert Troupel, 27 août 2002
centre

À titre personnel, je préfère les personnages « entre deux âges » ; je ne me suis jamais intéressé — et ne m’intéresse toujours pas — aux riches, ni aux pauvres, ni aux hommes politiques, ni aux délinquants, ni aux artistes (mis à part le cas particulier de l’artiste raté, qui me paraît emblématique : on est tous un peu ratés, on est tous un peu artistes). En matière de description sociale, je suis définitivement classes moyennes ; mais ce concept social-démocrate n’a peut-être aucun sens en zone parfaitement libérale. Au milieu de l’aéroport de Houston, juste avant de m’envoler vers l’Europe, je prends clairement conscience qu’au-delà des différences dans la mise en œuvre de nos deux stratégies, on peut probablement y déceler un même objectif : viser en plein centre.

Michel Houellebecq, « Compte rendu de mission : viser en plein centre », Lanzarote, Flammarion, p. 69.

Élisabeth Mazeron, 4 mars 2008
degré

Mercredi – Derrière une fenêtre, à Jaurès, est suspendu un fil. Épinglés le long de ce fil cinq rectangles de papier, ou six, dont nous ne voyons que le dos. S’agit-il de photos qui sèchent à notre barbe, de recettes de cuisine, de mots d’amour ? Ou encore de factures, de partitions, de menaces ? De mouchoirs rêches, d’esquisses ? Je penche pour des rideaux pris au second degré.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 20.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
rit

Son rire eût arraché comme une trombe les perruques poudrées des philosophes qui cherchent Dieu ou le big-bang dans un nuage de talc – volent aussi les feuillets de Descartes, noircis à la fumée des chandelles, ses méditations cachetées à la cire, Dino Egger rit. Son rire profite de la résonance des gouffres où il se forme pour retentir partout sous la voûte du ciel, jusque dans les provinces administrées par le bon sens populaire.

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 46.

Cécile Carret, 29 janv. 2011
lié

L’étrange était rarement dû à la nature, le hêtre à deux troncs poussés l’un dans l’autre dans la forêt proche ou les racines d’un autre hêtre qui formaient un siège exactement adapté à ma taille ne me surprenaient pas. Mais l’étrange qui vous creusait le dos et forçait à redresser les épaules était presque toujours lié à quelqu’un ou à quelque chose ; ainsi, l’escarpolette installée entre les deux chambres d’enfants au linteau laqué de blanc de la porte de séparation me paraissait le sommet du grotesque. On imaginait l’enfant assis sur sa planchette et qui venait se cogner la tête au plafond. Rien de plus absurde que cet objet du dehors qu’on retrouvait, tout à coup, dedans, cela me faisait autant frémir, d’une espèce de gêne physique, qu’une bicyclette sur un balcon ou qu’un cintre accroché à une fenêtre.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 83.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
relation

Pourrai-je jamais entrer en relation avec la vie ?

Georges Perros, « Feuilles mortes », Papiers collés (3), Gallimard, p. 260.

David Farreny, 27 mars 2012
autre

Derrière les arbres est un autre monde,

le fleuve me porte les plaintes,

le fleuve me porte les rêves,

le fleuve se tait, quand le soir dans les forêts

je rêve du Nord…

Derrière les arbres est un autre monde,

que mon père a échangé contre deux oiseaux,

que ma mère nous a rapportés dans un panier,

que mon frère perdit dans le sommeil,

il avait sept ans et était fatigué…

Derrière les arbres est un autre monde,

une herbe qui a le goût du deuil, un soleil noir,

une lune des morts,

un rossignol, qui ne cesse de geindre

sur le pain et le vin

et le lait en grandes cruches

dans la nuit des prisonniers.

Derrière les arbres est un autre monde,

ils descendent les longs sillons

vers les villages, vers les forêts des millénaires,

demain ils s’inquiètent de moi,

de la musique de mes fêlures,

quand le blé pourrit, quand rien d’hier ne restera

de leurs chambres, sacristies et salles d’attente.

Je veux les quitter. Avec aucun

je ne veux plus parler,

ils m’ont trahi, le champ le sait, le soleil

me défendra, je sais,

je suis venu trop tard…

Derrière les arbres est un autre monde,

là-bas est une autre kermesse,

dans le chaudron des paysans nagent les morts et autour des étangs

fond doucement le lard des squelettes rouges,

là-bas nulle âme ne rêve plus de la roue du moulin,

et le vent ne comprend

que le vent…

Derrière les arbres est un autre monde,

le pays de la pourriture, le pays

des marchands,

un paysage de tombes, laisse-le derrière toi

tu anéantiras, tu dormiras cruellement

tu boiras et tu dormiras

du matin au soir et du soir au matin

et plus rien tu ne comprendras, ni le fleuve ni le deuil ;

car derrière les arbres

       demain,

et derrière les collines,

       demain,

est un autre monde.

Thomas Bernhard, « Derrière les arbres est un autre monde », Sur la terre comme en enfer, La Différence, pp. 25-27.

David Farreny, 26 juin 2012
obscurcit

Le rapport entre le mystère et l’ignorance : est-ce leur méconnaissance d’elles-mêmes qui obscurcit les choses ? Doivent-elles ignorer qu’elles sont mystérieuses ?

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 137.

David Farreny, 2 avr. 2013
intéresse

Un égotiste qui ne s’intéresse pas, comble de l’amour déçu.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 68.

David Farreny, 11 sept. 2014
malheur

Malheur à qui ne se contredit pas au moins une fois par jour.

Anonyme, « L’Ecclésiaste », La Bible.

David Farreny, 23 fév. 2024
mains

Ah là là, il devient impossible de prendre le métro aux heures de pointe sans s’exposer aux mains courantes des jeunes femmes !

Éric Chevillard, « lundi 5 août 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 8 mars 2024

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