fils

Ne comptez pas sur moi

Je ne reviendrai jamais

Je siège déjà là-haut

parmi les Élus

Près des astres froids.

Ce que je quitte n’a pas de nom

Ce qui m’attend n’en a pas non plus

Du sombre au sombre j’ai fait

un chemin de pèlerin.

Je m’éloigne totalement sans voix

Le vécu mille et mille fois m’a brisé, vaincu.

Moi le fils des Rois.

André Laude, « dernier poème », Œuvre poétique, La Différence, p. 725.

David Farreny, 21 mars 2002
adieu

Ces géantes sans doute sont débonnaires, mais leur humeur est changeante, leurs nerfs faibles. Facilement vexées, voyant rouge, sûres d’ailleurs de l’impunité, elles vous arrachent dans un moment de cafard, elles vous arrachent la tête sans barguigner comme à un jeune hareng… et adieu longue vie.

Henri Michaux, « Ailleurs », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 102.

David Farreny, 13 avr. 2002
gens

« Moi j’aime les gens », écrit-il par exemple. Ou pire encore : « J’ai un gros défaut, mais qu’est-ce que vous voulez je n’arrive pas à m’en débarrasser : c’est plus fort que moi, il faut toujours que j’aime les gens. »

Je ne sais trop, pour ma part, si j’aime beaucoup « les gens », mais ce sentiment-là et son expression me paraissent tellement obscènes que j’hésiterais à les consigner, de toute façon, quand bien même ce serait au plus intime de mon journal intime.

Renaud Camus, Du sens, P.O.L., p. 40.

David Farreny, 27 avr. 2002
monter

Mes phrases voient monter en elles la contradiction avant qu’elles aient atteint leur verbe.

Renaud Camus, « samedi 7 février 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 61.

David Farreny, 15 fév. 2004
larges

Addio, cari… C’est curieux, les plaisanteries d’Inga et de ses grandes amies, de ces Femmes damnées : de petites plaisanteries de religieuses, de « bonnes sœurs ». À notre avant-dernière réunion, dans cette grande ville pleine d’appels joyeux, de fleurs et de parfums, chaque matin je répétais plusieurs fois : « Je vais me lever. » Alors elle disait : « Tu vas te lœwer ? tu vas devenir un lion ! Oh, j’ai peur, tu vas me dévorer. » Et elle riait, comme si ce jeu de mots était extrêmement drôle. Ah, oui : la petite fille en elle. C’était bon aussi, ces matins-là. L’été. Les grandes avenues bien ombragées, larges, toutes pleines de l’été et d’une belle vie lente et heureuse. On en voyait trois de nos fenêtres.

Valery Larbaud, « Amants, heureux amants... », Œuvres, Gallimard, pp. 634-635.

David Farreny, 2 nov. 2009
produite

Dictionnaire : Cambouis, graisse ou huile noircie par le frottement de pièces mécaniques. Étonnant : le mot, d’origine italienne, date de 1398. Une sorte d’encre, assez sale, grasse, produite par l’activité de travail. Ça devrait aller.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 15.

Cécile Carret, 4 mars 2010
romånce

Il disposait ses narrats en tas de quarante-neuf unités. À ce monceau il donnait un numéro ou un titre.

Cette nuit-là, ce 16 octobre-là, je lui suggérai de baptiser son prochain tas Des anges mineurs. C’était un titre que j’avais autrefois utilisé pour un romånce, dans d’autres circonstances et dans un autre monde, mais il me semblait que cela s’accordait bien avec cette somme que Scheidmann était en train d’achever, ce dernier tas.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 200.

Cécile Carret, 3 oct. 2010
chantez

La foudre fût tombée subitement sur tous ces messieurs que leur stupeur eût été certainement plus considérable, mais, tout de même, ils furent bien étonnés de cette déclaration.

— Qu’est-ce que vous nous chantez là, Fléchard ?

— Je ne chante pas, messieurs… j’avoue, car dans cette ténébreuse affaire Blaireau, le vrai coupable, je viens d’avoir l’honneur et le plaisir de le déclarer à Mlle Arabella de Chaville, c’est votre serviteur.

Alphonse Allais, L’Affaire Blaireau, FeedBooks.

Cécile Carret, 11 nov. 2011
désenchanteresse

L’éventualité de partir jette une clarté désenchanteresse sur l’histoire à laquelle je me suis trouvé mêlé. Sans doute fallait-il la juger importante lorsqu’elle était en cours. Elle devient singulièrement insignifiante quand elle semble pour s’achever.

Pierre Bergounioux, « vendredi 25 décembre 2009 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 1095.

David Farreny, 26 fév. 2012
postlude

Le trait le plus saillant de la cuisine de Landogne au temps de la cuisinière Sophie, c’est qu’un cheval y entrait couramment et tournait autour de la table pour voir s’il n’y avait rien à y glaner. Ah si c’était à refaire ! Comme on serait plus attentif à tout : aux noms, aux liens, aux histoires, aux visages ! Mais on croit toujours que ça n’a pas encore commencé ; qu’on ne vit qu’un fastidieux prélude à la vraie vie, un peu longuet ; et un beau jour on s’aperçoit, sans transition, qu’on est depuis longtemps dans le postlude, ou dans l’index, d’ailleurs très mal torché.

Renaud Camus, « samedi 28 mai 2011 », Septembre absolu. Journal 2011, Fayard, p. 228.

David Farreny, 27 août 2012
raisons

Les raisons de vivre commençaient à manquer. Il se confia à son meilleur ami qui lui démontra avec flamme que les deux ou trois auxquelles il s’accrochait encore étaient de purs sophismes.

Éric Chevillard, « lundi 7 juin 2021 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 28 fév. 2024

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