nommeuse

Car notionneuse est capitalement la culture ; la notion est la cellule de sa texture ; notionneuse et nommeuse.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 75.

David Farreny, 14 avr. 2002
allégeance

— Tu ne dépends pas de moi.

— Et à qui donc est due mon allégeance ?

— À ce que tu aimes le plus. Mais tu ne sais pas encore ce que tu aimes le plus. Et ce n’est pas moi qui peux te le dire. Je sais ce que tu n’aimes pas, voilà tout. Tu n’aimes pas le Monde.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 271.

David Farreny, 24 avr. 2007
pellicule

D’où le pouvoir de définition attaché à tous ces canaux hollandais. Il y a là, de toute évidence, un complexe eau-marchandise ; c’est l’eau qui fait l’objet, en lui donnant toutes les nuances d’une mobilité paisible, plane pourrait-on dire, liant des réserves, procédant sans à-coups aux échanges, et faisant de la ville un cadastre de biens agiles. Il faut voir les canaux d’un autre petit peintre, Berckheyde, qui n’a peint à peu près que cette circulation égale de la propriété : tout est pour l’objet voie de procession ; tel point de quai est un reposoir de barils, de bois, de bâches ; l’homme n’a qu’à basculer ou hisser, l’espace, bonne bête, fait le reste, il éloigne, rapproche, trie les choses, les distribue, les reprend, semble n’avoir d’autre fin que d’accomplir le projet de mouvement de toutes ces choses, séparées de la matière par la pellicule ferme et huilée de l’usage ; tous les objets sont ici préparés pour la manipulation, ils ont tous le détachement et la densité des fromages hollandais, ronds, préhensibles, vernissés.

Roland Barthes, « Essais critiques », Œuvres complètes (2), Seuil, p. 286.

David Farreny, 12 sept. 2009
fluait

Cette ville était devenue, pour moi, une expérience spirituelle et la lumière souvent brumeuse qui la baignait me sensibilisait constamment à un ordre de vérité où les choses ne sont ni elles-mêmes ni leur reflet mais se tiennent ailleurs et se diluent en des significations multiples et toujours fuyantes — comme si la lumière était, ici, de nature aquatique et formait l’élément vital de ce qui n’en finit jamais de naître : larves, plancton, sargasses, semences saturniennes. C’était l’indéfini. Et lorsque les brouillards — légendaires — mêlaient, en leur stagnance, la totalité des éléments, la ville et la pensée comme la chair et son souffle ne se dissociaient plus : dans la profondeur de son inertie, le cœur unique de toutes choses fluait au-dedans de lui-même. Et moi, comme un atome que l’amour eût noyé, je consentais sans réserve au bercement du temps.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, pp. 15-16.

Élisabeth Mazeron, 6 mars 2010
errant

Le singulier, à dire vrai, c’était cette aisance avec laquelle cette manière d’ascension, qui n’était guère plus qu’une promenade solitaire, une escapade sans destination fixée d’avance, s’était jusqu’à présent déroulée : comme dans un rêve trop facile, comme dans une conscience somnolente que les aspérités du réel n’affectent plus. À la vivante élasticité des pas répondait cette élasticité d’un temps gorgé de promesses, dans l’insaisissable et toutefois parfaitement juste coïncidence de l’avenir et du présent. Monter, c’était bien, ainsi, croître en une puissance que les petits succès personnels grignotés, çà et là, dans la coite vallée, ne permettaient pas d’imaginer. Et comme s’il avait voulu traduire, par sa seule apparence, l’élégance hautaine de ses aspirations, le grimpeur — l’errant — s’était enveloppé d’une longue cape et portait un magnifique béret de velours noir également, en sorte que l’homme avait tout à fait le style de son ombre.

Claude Louis-Combet, « La tombe à son plus haut point », Rapt et ravissement, Deyrolle, p. 39.

Élisabeth Mazeron, 23 mars 2010
résultats

Une chauve-souris dort, suspendue à son aisselle. Elle le gêne un peu pour préparer ses potions et ses fientes acides les font tourner : le philtre qui devait lui procurer une jeunesse éternelle le frappe de sénescence. Souvent, les tâtonnements de la science produisent des résultats inattendus, le sirop antitussif fait grandir les nains, telle pommade contre l’acné polymorphe juvénile rend bossus ses utilisateurs – et si bien, plaident les laboratoires, que l’on ne voit effectivement plus leur vilaine figure boutonneuse – […]

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 106.

Cécile Carret, 18 fév. 2011
ravagées

Si après six mois de séjour en Inde on commence à regarder les petites filles plus souvent qu’on voudrait, c’est qu’à vingt ou vingt-deux ans la plupart des femmes sont ravagées, édentées, déformées, avec ces visages gonflés et aussi effacés – d’avoir accepté sans les comprendre une série d’événements désagréables se succédant tellement vite (les enfants, ces gros fruits exigeants, si vite mûrs et si vite abîmés) que l’esprit, renonçant à suivre, renonçant à vivre, les avait quittées pour toujours.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 100.

Cécile Carret, 28 juin 2012
contribution

À ce trait et à bien d’autres encore, nous reconnûmes que le Père Lampros évitait la controverse ; et son silence agissait plus puissamment que la parole. Dans la science également où il comptait au nombre des maîtres, il évitait de prendre part aux luttes des écoles. Son principe était que toute théorie représente une contribution à l’universelle genèse, l’esprit de l’homme en chacun de ses âges concevant à neuf la création, et que chaque interprétation recèle autant de vérité vivante, et pas d’avantage, que la feuille qui se déploie pour bientôt périr. C’est pour cette raison qu’il s’était nommé Phullobius «  feuilles parmi les feuilles  » montrant cet étonnant mélange de modestie et de fierté qui lui était propre.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 79.

Cécile Carret, 27 août 2013
manœuvre

Avouer certaines choses, cacher certaines choses, tout dire, tout taire… — te fatigue pas — même manœuvre.

Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure toujours, Tarabuste, p. 114.

David Farreny, 13 sept. 2014
tour

Très vite, le premier tour est bouclé et, dès lors, on ne fera plus que suivre ses propres traces.

Éric Chevillard, « dimanche 17 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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