sébile

Avec l’argent récolté aujourd’hui, grâce à la générosité des passants, Crab va pouvoir finir de payer sa sébile. Dès demain, tout sera bénéfice.

Éric Chevillard, Un fantôme, Minuit, p. 96.

David Farreny, 24 mars 2002
contradiction

Il y a contradiction dans toute existence ; mais le désordre ne la résout pas — et l’ordre, en tout cas, la respecte.

Henri Thomas, Londres, 1955, Fata Morgana, p. 11.

David Farreny, 13 avr. 2002
maisons

Plus que de la laideur, à mon avis, le XXe siècle fut le siècle de la camelote. Et rien n’en témoigne mieux que tous ces pavillons qui éclosent le long de toutes les routes et à l’entrée de toutes les villes, petites ou grandes. Ce ne sont pas des maisons, ce sont des idées de maisons. Elles témoignent pour une civilisation qui ne croit plus à elle-même et qui sait qu’elle va mourir, puisqu’elles sont bâties pour ne pas durer, pour dépérir, au mieux pour être remplacées, comme les hommes et les femmes qui les habitent. Elles n’ont rien de ce que Bachelard pouvait célébrer dans sa poétique de la maison. Elles n’ont pas plus de fondement que de fondation. Rien dans la matière qui les constitue n’est tiré de la terre qui les porte, elles ne sont extraites de rien, elles sont comme posées là, tombées d’un ciel vide, sans accord avec le paysage, sans résonance avec ses tonalités, sans vibration sympathique dans l’air.

Renaud Camus, Du sens, P.O.L., p. 470.

David Farreny, 19 mai 2002
clos

Il traduit aussi le Monde, celui qui voulait s’en échapper. Qui pourrait échapper ? Le vase est clos.

Henri Michaux, « Ailleurs », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 3.

David Farreny, 2 avr. 2007
enfance

Une aube pâle suintait par les stores entrouverts, et moi, en traçant ainsi le bilan de mon existence, je rougissais et je poussais, dans les draps, des ricanements indécents, mais, j’éclatai soudain d’un rire animal, mécanique, un rire de pieds, comme si on m’avait chatouillé les talons et comme si ce n’était pas mon visage mais ma jambe qui riait. Il fallait en finir au plus vite, rompre avec l’enfance, prendre une décision et recommencer à zéro, il fallait faire quelque chose !

Witold Gombrowicz, Ferdydurke, Gallimard, p. 21.

Cécile Carret, 23 avr. 2007
a

Il se leva, fit un salut et chanta :

Quand on n’a pas ce que l’on aime

Il faut aimer ce que l’on a.

Il fit un salut et se rassit.

Witold Gombrowicz, Cosmos, Denoël, p. 167.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
inexistence

Passant éphémère, tiré du néant sans borne qui règne en deçà et au-delà de soi, comme d’un sommeil de plomb auquel on retournera pour toujours, l’on est vite persuadé que, si le monde existe bel et bien, c’est sur un fond insondable d’inexistence, comme un rêve bon ou mauvais surnage et puise sa force suggestive de cette perte de conscience généralisée. Né sous un mauvais signe assurément, celui de l’absence de sens et de la fin absolue de tout, il y a, paraît-il, de la force et de la noblesse, bien vaines à coup sûr, à rester sur le pont coûte que coûte quand tout sombre irrémédiablement autour de soi et que l’on sait qu’il n’y aura pas de main secourable.

Hubert Voignier, Le débat solitaire, Cheyne, p. 67.

Élisabeth Mazeron, 21 fév. 2008
trop

Elle était bonne et elle croyait en Dieu. Je me rappelle qu’un jour, pour me dire la grandeur de l’Éternel, elle m’expliqua qu’il aimait mêmes les mouches, et chaque mouche en particulier, et elle ajouta J’ai essayé de faire comme Lui pour les mouches, mais je n’ai pas pu, il y en a trop.

Albert Cohen, Ô vous, frères humains, Gallimard, p. 16.

Bilitis Farreny, 22 avr. 2008
scandales

La morale elle-même engendre la Terreur quand, dépeuplant l’univers de tout ce qui n’est pas l’Autre et son ennemi, elle ne rencontre jamais de problèmes ou de dilemmes mais seulement des scandales. « Je ne sais point discuter longuement où je suis convaincu que c’est un scandale de délibérer », disait encore Robespierre dans son discours sur le parti à prendre à l’égard du roi.

Alain Finkielkraut, « La gauche de gauche et les virgules noires », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 238.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
échappée

Quignard écrit aussi : « Avoir une âme, cela veut dire avoir un secret. » J’ai grand mal à souscrire à cette assertion — ce qui ne signifie pas, bien au contraire, que je ne la trouve pas intéressante, qu’elle ne me nourrit pas. Elle n’est juste, à mon sens, qu’à la condition de prendre le mot secret dans la définition que j’aime à lui donner : le seul secret qui vaille, c’est le secret qui reste quand tous les secrets sont levés. L’âme, oui : l’irréductible au sens, l’indicible, l’échappée de toute parole.

Renaud Camus, « dimanche 15 février 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 82.

Élisabeth Mazeron, 31 mars 2010
sache

« Je t’aime, est-ce que ces mots ne sont pas les plus absurdes qu’on puisse dire ? Cette déclaration de guerre, cette assignation à résidence, ce langage pénal… »

Il avait désamorcé cette parole, un peu plus tard. C’était avec une petite amie nommée Laurence, ils avaient déjeuné ensemble avant de remonter chez lui, et là, alors qu’il se donnait en elle, s’acharnait en elle avec délices, il l’avait regardée dans les yeux et lui avait dit : « Finalement on peut dire je t’aime, dans la seconde où c’est vrai, et pour les raisons précises et concrètes qui font que c’est vrai. Là, je t’aime. » Il appuyait ces mots d’un mouvement plus fort des reins, plus appuyé — là, je t’aime. C’était comme dilapider ce mot, le « claquer », le gaspiller exprès, à cause du ventre, des cuisses, de ce corps nu sous le sien dans la sueur, la salive et ce jour-là un peu de sang. C’était se venger de ce mot, le réduire enfin à la vérité incontestable et circonscrite du désir, afin qu’une fois, au moins une fois, on sache ce qu’il voulait dire.

François Taillandier, Time to turn, Stock, p. 190.

David Farreny, 30 août 2013
débarrasser

Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.

Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 14 juin 2016

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