croupetons

On se met à croupetons et l’on a ainsi la sensation d’être chez soi.

Maurice Roche, Compact, Tristram, p. 107.

David Farreny, 20 mars 2002
amplitude

Dans les blessures qu’elle nous inflige, la vie alterne entre le brutal et l’insidieux. Connaissez ces deux formes. Pratiquez-les. Acquérez-en une connaissance complète. Distinguez ce qui les sépare, et ce qui les unit. Beaucoup de contradictions, alors, seront résolues. Votre parole gagnera en force, et en amplitude.

Michel Houellebecq, Rester vivant, La Différence, p. 13.

Élisabeth Mazeron, 24 sept. 2004
condamné

Je me souviens d’un soir, il pouvait être vingt-deux heures, nous étions une dizaine réunis dans un bar et tous parlaient avec animation des mérites de différentes boîtes, les unes plus house, d’autres plus trance. Depuis dix minutes j’avais horriblement envie de leur dire que je voulais, moi aussi, entrer dans ce monde, m’amuser avec eux, aller jusqu’au bout de la nuit ; j’étais prêt à les implorer de m’emmener. Puis, accidentellement, j’aperçus mon visage se reflétant dans une glace, et je compris. J’avais la quarantaine bien sonnée ; mon visage était soucieux, rigide, marqué par l’expérience de la vie, les responsabilités, les chagrins ; je n’avais pas le moins de monde la tête de quelqu’un avec qui on aurait pu envisager de s’amuser ; j’étais condamné.

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île, Fayard, p. 317.

Élisabeth Mazeron, 9 nov. 2005
s’ennuyant

Tu redoutais l’ennui solitaire, et l’ennui à plusieurs. Mais tu redoutais plus que tout l’ennui à deux, en face à face. Tu n’attribuais aucune vertu à ces moments d’attente sans enjeu perceptible. Tu jugeais que seules l’action et la pensée, qui en semblaient absentes, portaient ta vie. Tu sous-estimais la valeur de la passivité, qui n’est pas l’art de plaire mais de se placer. Être au bon moment au bon endroit exige d’accepter le long ennui des mauvais instants, passés dans des lieux gris. Ton impatience t’a privé de cet art de réussir en s’ennuyant.

Édouard Levé, Suicide, P.O.L., p. 98.

Cécile Carret, 22 mars 2008
chose

Apparut sur l’unique étagère une chose amorphe et sombre qui remua aussitôt, glissa, visqueuse, roula sur elle-même et s’écrasa par terre comme un chiffon mouillé. Ils approchèrent ; la chose émit un bruit de chute en retard, un chtkk qui se confondit avec un pas. Flasque, la serpillière (ce n’était pas une serpillière) remua, se déroula toute seule, silencieusement, quelques secondes encore après sa chute, sans précipitation, savait ce qu’elle avait à faire et, lascivement, entièrement, s’étala jusqu’à proposer la surface plane d’un quadrilatère irrégulier de quarante centimètres sur la plus grande longueur par vingt-cinq à peu près, sur la hauteur. La perfection de sa surface et la magie de sa sortie juraient avec son contour comme tracé à main levée mais aussi avec l’asymétrie de sa forme qui rappelait un trapèze, un trapèze déhanché, qui ne rappelait rien. Un coin corné et les faux plis se résorbèrent pour s’aplatir lentement en une surface lisse qui brillait un peu. Pétapernal souleva un pan qui retomba d’un coup, chtkk.

Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 108.

Cécile Carret, 10 déc. 2009
accepter

C’est dès qu’on respire qu’on est sommé d’agir, exposé à pâtir. Aussi un accès infaillible, fulgurant nous est-il ménagé sur l’endroit précis où les heures d’or, les nôtres attendent notre venue pour commencer leur ronde. J’ai su où était ma place quand je n’avais pas le premier mot pour l’expliquer. Ç’aurait été sans importance si j’avais pu m’y établir. Je le cherche parce que ce qui est arrivé n’est pas ce qui aurait dû et qu’on peut toujours, à défaut, s’efforcer de comprendre, d’accepter.

Pierre Bergounioux, Le premier mot, Gallimard, p. 20.

Élisabeth Mazeron, 7 mai 2010

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