apéritifs

Prévenez-moi si la vie commence

je ne voudrais pas rater ça

les heures deviennent longues

entre les apéritifs

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 66.

David Farreny, 20 mars 2002
forme

Une femme qui m’avait occupé l’esprit et le cœur, sans cesse, et qu’il me suffisait de voir ou d’évoquer pour me dire que la vie avait une forme.

Christian Oster, Une femme de ménage, Minuit, p. 8.

David Farreny, 21 mars 2002
technique

Disons que ce que l’on appelle poème est précisément une technique linguistique de production d’un type de conscience que le spectacle du monde ne produit pas ordinairement.

Jean Cohen, Structure du langage poétique, p. 196.

David Farreny, 24 mars 2002
calcaire

Être en surplomb d’un chiot, toujours spontanément joueur, avec la décision ferme de l’abattre en visant la boîte crânienne ou la colonne vertébrale, il semble qu’il y ait alors une hésitation générale. Peut-être est-ce l’idée d’abréger une croissance ou le sentiment de détruire le chien lorsqu’il est encore inoffensif, tuer un chiot de ses propres mains peu s’y risquent. Déjà y songer ; personne n’y songe. Le chiot est trop dépourvu de défenses, il vomira un paquet de sang au premier choc qui devrait être fatal, tant il n’est encore que masse cartilagineuse, mal abrité dans un calcaire incertain, l’énergie manque pour se diriger vers lui.

Bernard Lamarche-Vadel, Vétérinaires, Gallimard, pp. 62-63.

David Farreny, 3 déc. 2002
dépassement

Comme j’avais eu tort autrefois de chercher un dépassement en des lieux fermés, étroits, face à des objets, à des personnes, à des images du monde limité, dont, il est vrai, « cela » triomphait momentanément, et assez merveilleusement, les déboîtant parfois comiquement du carcan de leurs limites. Cependant les choses, leur massivité ainsi transfigurée, transcendée, toujours présentes, tendaient à revenir et, en effet, après peu, trop peu de temps, se reconstituaient avec leur épaisseur.

Le ciel, lui, est différent. Différent et supérieur.

Henri Michaux, « Les grandes épreuves de l’esprit et les innombrables petites », Œuvres complètes (3), Gallimard, pp. 378-379.

David Farreny, 8 déc. 2005
besoin

Du temps passe, du temps que je ne remarque guère, dans la lourdeur… puis subitement, dans ce vague, je perçois une annonce perçante « bras droit ». Signal clair, sur quoi on ne peut se méprendre. Il me faut y aller voir. Je me redresse pour inspection. Un os, un os hors de son trajet, comme à l’aventure paraît vouloir sortir du bras, poussant en biais vers où il n’a que faire et que ma peau tendue retient. Mauvais ! Le pied droit enflé comme une dame-jeanne. Mauvais aussi ! Cela ne saurait s’arranger tout seul, ni par moi au pauvre savoir. On va avoir besoin d’autrui. Désagréable. Désagréable. Fin de l’espoir.

Henri Michaux, « Face à ce qui se dérobe », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 858.

David Farreny, 5 juil. 2006
croire

Tous ces jeunes gens ont un grand désir de s’instruire, de se cultiver, si possible en brûlant les étapes grâce à un aîné complaisant. Mais on ne peut pas brûler les étapes, les aînés sont généralement désabusés, ils n’ont pas de réponses aux questions posées, qu’ils n’ont jamais résolues et qu’ils ne se posent plus ; de toute façon ils ont cessé de croire à un rapport bien étroit et bien fixe entre questions et réponses ; et les questions ne leur parlent que du questionneur…

Renaud Camus, « vendredi 7 mai 1976 », Journal de « Travers » (1), Fayard, p. 246.

David Farreny, 28 sept. 2007
arête

De nouveau la peine, le gouffre béant dont notre chemin suit l’arête.

Pierre Bergounioux, « vendredi 25 septembre 1981 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 74.

Élisabeth Mazeron, 13 sept. 2008
congé

J’étais devenu mon propre fantôme. À la façon des fakirs, capables de traverser une foule sans qu’on les remarque, ou du héros d’un conte de Chamisso, je ne projetais plus sur le sol aucune ombre, même aux lumières rasantes du lever et du couchant. Le monde était devenu irréel. Mes orbites étaient-elles vides ou le paysage, sous mes yeux, s’était-il évanoui ? Dieu et les maîtresses de maison me pardonnent : j’étais en train de prendre congé.

François Nourissier, Le musée de l’homme, Grasset, p. 15.

David Farreny, 21 avr. 2009
glissez

Ni vu ni connu, vous glissez-vous dans votre vie désertée ?

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 55.

Cécile Carret, 29 janv. 2011
carénée

Il y aurait donc un hangar pour les troncs, un autre pour les pierres, un troisième, peut-être, pour les créatures les plus remarquables que, l’expérience aidant, je ne manquerais pas de tirer de l’eau ou des bois, carpes centenaires, grosses truites dont je me flattais de surprendre la méfiance légendaire, brochets géants à la gueule dentue, carénée, qu’on hale sur la berge, au plus froid de l’hiver, que je comptais naturaliser, comme les sangliers qui viennent herser les champs de maïs et de pommes de terre, la nuit, les renards, les fouines, certains oiseaux richement colorés, des serpents. Ces anticipations n’ont jamais pris corps mais elles m’ont aidé à supporter la fadeur et la contrariété, l’incertitude de cette époque.

Je ne saurai jamais le goût de la vie maniaque, pétaradante, sous la casquette à pont, dont les contours étaient déjà nettement tracés lorsque, pour mon malheur, je suis tombé amoureux.

Pierre Bergounioux, Trois années, Fata Morgana, p. 32.

David Farreny, 24 sept. 2011
autrui

C’est incontestable, on a parfois besoin d’autrui. Je n’aurais jamais réussi à m’ennuyer comme ça tout seul.

Éric Chevillard, « mardi 21 mai 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 21 mai 2013
rompt

Pour être lu, un livre se rompt – mais les deux moitiés sont pour toi.

Éric Chevillard, « jeudi 19 mai 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 19 mai 2016

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