ce

Un Hindou adorerait un mur plutôt que de ne rien adorer du tout. Il le ferait. Ce lui est possible.

Henri Michaux, « Idoles », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 695.

David Farreny, 20 mars 2002
monde

Il y a peut-être plus d’autre monde dans l’amour et dans la sensibilité à l’étrangeté de la nudité humaine, dans la lecture, dans la musique, que dans la mort et devant le cadavre inconscient.

Pascal Quignard.

Élisabeth Mazeron, 29 mars 2003
modestie

La maman évita soigneusement le centre de Poitiers et, songeant qu’il était dans la constitution sociale et mentale de nos familles d’habiter toujours la plus navrante lisière des villes, je nous revis, quelque six ans plus tôt, parcourir dans cette même voiture les petites rues droites, grises et délabrées, toujours étrangement vides, le long des maisons étroites dénuées de balcons, de volets ou de pensées aux rebords de leurs fenêtres, les rues silencieuses, consternées, des faubourgs de Poitiers, jusqu’à la maison de la maman, avec son crépi gris, abrutie de torpeur et de modestie.

Marie NDiaye, La sorcière, Minuit, p. 103.

David Farreny, 13 mars 2005
manivelle

Le Nombre augmente.

Uniformément l’œuf, par myriades, l’œuf, les sorties de l’œuf ; famille pour les besoins de l’œuf, famine pour les besoins de l’œuf, chaîne sans fin, manivelle venue des désirs. Que d’ovaires offerts de par le monde !

Henri Michaux, « Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1182.

David Farreny, 7 août 2006
degré

Mercredi – Derrière une fenêtre, à Jaurès, est suspendu un fil. Épinglés le long de ce fil cinq rectangles de papier, ou six, dont nous ne voyons que le dos. S’agit-il de photos qui sèchent à notre barbe, de recettes de cuisine, de mots d’amour ? Ou encore de factures, de partitions, de menaces ? De mouchoirs rêches, d’esquisses ? Je penche pour des rideaux pris au second degré.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 20.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
rapport

Jules Renard et Fernando Pessoa sont morts à l’âge que j’ai aujourd’hui. Vous ne voyez pas le rapport.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 54.

David Farreny, 17 juin 2009
probant

Afin de m’assurer que je ne suis pas une ombre, que ma vie n’est pas une illusion, je dresse à bâtons rompus la liste des faits et souvenirs marquants de mon existence avant d’admettre que rien de tout cela n’est aussi probant que le soupir qui conclut cette évocation.

Éric Chevillard, « mardi 2 juillet 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 2 juil. 2013
chauve-souris

La chauve-souris dort d’un sommeil de fil à plomb.

Éric Chevillard, « mardi 18 mars 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 19 mars 2014
singularité

La règle d’or : si le petit rien que tu possèdes n’a, en lui-même, rien de particulier, au moins dis-le avec un zeste de singularité.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 264.

David Farreny, 13 janv. 2015
heures

Mais encore… Mais encore dans la voix du matin, il aurait fallu être attentif et précis, noter et noter encore, parler bas quand les heures laissent entrer les petites joies si douces si calmes si paisibles, quand on sent la pulsation de la Terre, quand bat le cœur juste et bon, accordé à des phrases dépassant tout juste du silence, tièdes et palpitantes et qui ne s’imposent pas. « Soyons désobligeants pour les femmes et les éditeurs ! » me dit-il à l’oreille. Oui, bien sûr, mais comme il est dommage de devoir toujours aller à contre-sens, comme nous aimerions être simplement, simplement être, poser notre main sur son ventre et laisser le temps filer entre les précipices dans la paix de l’aube. Lassitude de devoir dire non encore une fois, une fois de trop. Revenir à Bach, en somme. L’aurore est éternelle. Les âmes endormies reposent, couchées auprès de leurs sœurs. Le péché veut les réveiller. Ne le laissons pas faire. Encore un instant de répit, avant le tumulte.

Prépare-toi, mon âme. Pour ton bien, tu seras abandonnée. Alors de ses yeux reviendront des amours qu’elle ne sait même pas, le temps du diable oublié, le sarcasme et la peur, et toutes les heures perdues éclateront comme des bulles de savon. Il y avait de la sainteté dans ces folies et tu ne le voyais pas. Un souffle puis un autre, une hésitation, la voix qui se brise, mais quand même, c’était beau, le désir.

Jérôme Vallet, « Sur les talons », Georges de la Fuly. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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