jeter

Que faire de tout cela ? Le jeter ?

Renaud Camus, « dimanche 31 mars 2002 », Outrepas. Journal 2002, Fayard, p. 83.

David Farreny, 3 juil. 2005
bonheur

Je sens que la nuit va être pénible, et dur le matin. Les murs ici sont en papier. Une voisine anglaise rit de bonheur chaque fois qu’elle ne tousse pas. Ma porte ferme mal. Elle est juste en face de l’escalier. On entendait tout à l’heure toutes les conversations du hall, et on les entendra dès sept heures du matin ; mais à ce moment-là, les camions qui tournent sous ma fenêtre, au sommet de la côte, m’auront déjà réveillé, si je suis arrivé à m’endormir ; etc., etc.

Je dois retrouver demain soir Dennis à Avallon.

Renaud Camus, « vendredi 18 avril 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 52.

David Farreny, 30 juil. 2005
pédalo

Sur deux hauts tabourets non contigus, un couple désemparé, assis au bar, affalé plutôt, oreilles dans la paume de la main, coudes repliés, nez sur les verres, était trop las pour échanger encore les arguments flaccides d’une dispute éculée, filée au long d’un week-end raté. Une femme un peu ample, un peu blonde, un peu pas jeune, contemplait de sa caisse à travers les grandes baies nues, arrondies, le gris panorama et elle répétait pour elle-même, à de réguliers intervalles : « Ah non, ce temps, j’vous jure… » J’ai acheté là quelques cartes postales racornies, aux couleurs « faites main ». Je les ai maintenant sous les yeux. Elles rendent bien l’esprit du lieu. La salle à manger de l’hôtel, légèrement tremblée comme par un soupçon que peut-être on ne dort pas, est vraiment une vision de cauchemar. Mais la Promenade en pédalo sur le lac (circa 1953) fouaille mieux encore la mémoire hallucinée. Le pédalo est flanqué à chaque bord par la haute silhouette d’un cygne de bois, au bec orange dont l’orange glisse un peu vers les sapins du fond. La souriante promeneuse — et pourtant elle sait, cette femme sait quelque chose, et moi d’elle, de ses malheurs vers 1961 — a un chemisier bleu, son ami une chemisette verte et les cheveux très calamistrés. Passe à l’arrière-plan, sur l’embarcadère blanc du Chalet de la Plage, une jeune famille d’au moins cinq enfants. La plus jeune des petites filles porte une jupe du même vert cru que la chemisette du si bien coiffé pédaleur. On sent qu’on se battra pour elle, à la sortie de bals de village, les samedis soirs.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., pp. 63-64.

David Farreny, 30 juil. 2005
donnez

Il en est qui trouvent ça beau ; moi, la seule réaction que m’inspirait la majesté répugnante de la ligne des Alpes était un haussement d’épaules : trop de Stifter ! Même les fines étincelles jetées de loin en loin par les parois bleu vert n’arrivaient pas à me convaincre : donnez-moi un paysage plat, avec de vastes horizons (ici on est coincé comme dans un sac en papier !).

Arno Schmidt, « Continents déplacés », Histoires, Tristram, p. 65.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
espace

Dans les périodes de transition, parmi lesquelles je compte la semaine passée et, à tout le moins, cet instant-ci, je suis souvent saisi d’un étonnement triste, mais tranquille, en constatant mon insensibilité. Je suis séparé de toutes choses par un espace creux à la limite duquel je ne me presse même pas d’arriver.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 184.

David Farreny, 13 oct. 2012
disproportion

Pour notre consolation, la disproportion du monde semble n’être que d’ordre numérique.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 453.

David Farreny, 8 nov. 2012
stopper

L’objectif est toujours le même : stopper l’hémorragie.

Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (3) », «  Théodore Balmoral  » n° 71, printemps-été 2013, p. 112.

David Farreny, 12 juin 2014
altérité

Nos semblables ? Et en effet, certains le sont et ne le sont que trop, car après un premier mouvement de rapprochement fraternel, ces similitudes incontestables nous pèsent, nous écœurent, il n’est jamais agréable d’être l’un des termes d’un pléonasme. Mais les autres… leur bouche pleine de dents, leur ventre obscur, leurs gestes incompréhensibles, leurs propos insensés… la profonde et terrifiante énigme de l’altérité…

Éric Chevillard, « mardi 6 mai 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014
sinuosités

S’il faut renoncer, pour se faire entendre, aux sinuosités délicieuses de la pensée, alors mieux vaut abandonner la pensée. Ce n’est pas elle, en effet, qui est un plaisir, ce sont les sinuosités qui la conduisent. La pensée est une province de la Sinuosité en soi. La Sinuosité est la littérature même.

Philippe Muray, « 1er novembre 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 222.

David Farreny, 29 fév. 2024

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