avant

Tout se mélange. Il n’y a pas la vie d’un côté, la mort de l’autre. Il n’y a pas ici la raison, et la folie sur cette autre rive, en face, bien séparée. Il n’y a même pas la santé, qui un beau jour s’arrêterait d’un coup, pour faire place à la maladie. Très avant dans le territoire du chagrin, le bonheur a encore ses enclaves, ses bons moments, ses rémissions.

Renaud Camus, Vie du chien Horla, P.O.L., p. 111.

David Farreny, 28 juin 2003
nostalgie

Nostalgie de la femme : une nouvelle crise.

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 109.

David Farreny, 24 avr. 2007
déplaisir

Vieillir dans pareil monde augmentera le déplaisir de l’âge. Peut-être, aussi, rendra-t-il moins terrible de s’en aller. Pas envie de m’attarder parmi les hommes, et les femmes, de maintenant. Ils ne m’inspirent que de la colère et du mépris.

Pierre Bergounioux, « mercredi 24 mai 2000 », Carnet de notes (1991-2000), Verdier, p. 1192.

David Farreny, 28 déc. 2007
tant

Qu’importe d’ailleurs : si on marche, c’est que quoi faire d’autre. Je n’aime pas du tout qu’on m’arrête par le coude, qu’on me demande ce qu’il en est du bonheur : j’en ai ma part, je ne suis pas sûr qu’elle me serve tant.

François Bon, « Ce qu’il en est du bonheur », Tumulte, Fayard, p. 462.

David Farreny, 1er mai 2008
rapport

Jules Renard et Fernando Pessoa sont morts à l’âge que j’ai aujourd’hui. Vous ne voyez pas le rapport.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 54.

David Farreny, 17 juin 2009
matière

Il la renifla, la goûta du bout de la langue. Rien. Il la posa sur un bureau. D’où elle chercha à descendre. Tomba. Chtkk. Il la ramassa, la reposa. Après un petit temps, comme afin de ne pas contrarier celui qui l’avait posée là, elle reprit le chemin du bord du bureau et tomba. Chtkk. Il recommença, la déposa de nouveau, et toujours le même cinéma, cherchait le sol, s’écrasait.

Surtout, elle rendait un son à retardement : elle tombait ; une seconde passait ou un quart ou un dixième de seconde passait, et le bruit de sa chute, ce chtkk, leur parvenait, comme si, intérieurement et plus loin, un second objet entrait en collision pour délivrer du bruit, avec le même infime mais perceptible retard du son du starter sur la fumée ; une sorte d’incohérence des événements ou d’esprit d’escalier, le souvenir que les lois physiques décrivant le monde imposaient de rendre un son après une percussion, ou un besoin de réfléchir, une malice. Ils la jetèrent contre le mur où elle tenta de s’aplatir, friande de nouveaux espaces mais comprenant peut-être subitement la gravité ou l’incorporant dans son programme, ne trouva pas à s’accrocher et dégringola. Le son du heurt sur le mur n’arriva qu’en chemin vers le sol, chtkk, et le son de la chute au sol qu’après encore, chtkk.

C’était une matière étrange, presque mal fichue, une sorte d’erreur, mais pas totale, qui cherchait le plat. On avait dû se borner à ne lui apprendre que le plat, à n’être bien que sur du plat, au sol, et elle s’y cantonnait, n’y bougeait plus. Cette façon de se blottir à plat, pitoyable, affectueuse, donnait envie de l’adopter.

Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 110.

Cécile Carret, 10 déc. 2009
lambeaux

La solitude m’était déjà nécessaire. Je recherchais la société des arbres car ils n’ont pas besoin de notre assentiment pour être des arbres, ni, nous, de leur donner quelque chose qu’ils nous rendront en lambeaux, tout brûlé.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 50.

Élisabeth Mazeron, 9 juin 2010
question

J’étais assez peu décidé à retourner à Arles, et, quant à Marseille, je me trouvais face à la délicate question de m’y rendre pour acheter des chaussures avant, en quelque sorte, d’y être arrivé de manière naturelle, ou instinctive, ou encore globale, ou absolue, à savoir de ne pas y être arrivé fondamentalement tout en m’y trouvant de façon anecdotique. Inversement, j’avais besoin de mocassins maintenant, et non quand j’arriverais de façon naturelle à Marseille, de sorte que, tandis que je recherchais l’endroit où je m’étais garé, je m’exerçais à exclure mentalement, en dehors d’Arles, soit les mocassins, soit Marseille, aucune de ces solutions ne me paraissant satisfaisante.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 132.

Cécile Carret, 30 sept. 2011
connu

Connaissance totale de soi-même. Pouvoir encercler l’étendue de ses capacités, comme la main enveloppe une petite balle. Prendre son parti de la plus grande déchéance comme de quelque chose de connu, à l’intérieur de quoi on reste encore élastique.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 254.

David Farreny, 28 oct. 2012
monté

L’orgueilleux donne l’impression d’être toujours monté à cheval sur lui-même.

José Camón Aznar, Aphorismes du solitaire.

David Farreny, 6 janv. 2015
presque

La stupidité des radicalismes nous oblige presque à excuser les injustices qu’ils dénoncent.

Nicolás Gómez Dávila, Nouvelles scolies à un texte implicite (2), p. 50.

David Farreny, 27 mai 2015
pion

Tourner la loi. Se prendre pour… Les filles disent « mon fiancé », elles s’imaginent grandes dames-XIXe siècle, du temps où il y avait des fiançailles. Elles disent « ton mec », c’est le fantasme provisoire crapule Carco. On dit « ton Jules », ça fait encore plus fortifs, du temps où il y avait une marge, c’est-à-dire une société. « Ton ex », ça signifierait qu’à un moment il a été actuel. Alors que de toute façon, dans tous les cas, ça n’a jamais été qu’un pion de rencontre sur un échiquier d’ennui et de brouillard. Développer.

Me souvenir des excellents clichés mis en scène dans Les Nuits de la pleine lune vu hier. Rapports de force à feu doux, liberté, vie commune tempérée, illusions d’exister.

Philippe Muray, « 6 janvier 1985 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 536.

David Farreny, 3 juin 2015

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