encouragement

Ce que je veux dire, c’est… enfin… gardez-vous d’ignorer que nous ne sommes que des créatures issues de la poussière. Oui, c’est peu comme encouragement, il faut bien se mettre ça dans la tête. Mais cela dit et compte tenu somme toute d’un mauvais départ, les choses pourraient être pires. Aussi je suis persuadé en ce qui me concerne que même dans une situation aussi pourrie, nous saurons nous en tirer. Vous me saisissez ?

Philip K. Dick, Le Dieu venu du Centaure, Omnibus, p. 341.

Guillaume Colnot, 24 avr. 2002
stalle

Elles conservèrent de Léon une image compliquée et noirâtre dans une stalle peu fréquentée de leur mémoire, comme une petite idole exotique au temple à demi écroulé.

Pierre Jourde, Pays perdu, L’Esprit des Péninsules, p. 75.

David Farreny, 16 mai 2004
presque

Tu attends, tu espères. Les chiens se sont attachés à toi, et aussi les serveuses, les garçons de café, les ouvreuses, les caissières des cinémas, les marchands de journaux, les receveurs d’autobus, les invalides qui veillent sur les salles désertées des musées. Tu peux parler sans crainte, ils te répondront chaque fois d’une voix égale. Leurs visages maintenant te sont familiers. Ils t’identifient, ils te reconnaissent. Ils ne savent pas que ces simples saluts, ces seuls sourires, ces signes de tête indifférents sont tout ce qui chaque jour te sauve, toi qui, toute la journée, les a attendus, comme s’ils étaient la récompense d’un fait glorieux dont tu ne pourrais parler, mais qu’ils devineraient presque.

Georges Perec, Un homme qui dort, Denoël, p. 119.

David Farreny, 4 oct. 2005
virtualité

Les avantages d’un état d’éternelle virtualité me paraissent si considérables, que, lorsque je me mets à les dénombrer, je n’en reviens pas que le passage à l’être ait pu s’opérer jamais.

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 138.

David Farreny, 12 mars 2008
alors

Et je l’accompagnai jusqu’à la prochaine cabine téléphonique.

(Bizarre, d’être comme ça à l’extérieur : le squelette de fer jaune, rempli de plaques de verre ; dedans, la longue qui s’affaire, le combiné noir contre l’oreille ; se tourne comme si elle parlait de moi ; se tait pendant dix secondes ; à l’autre bout se trouve sans doute une villa, vingt pièces, une mère distinguée hausse les sourcils, à l’arrière-plan un père gros & courtaud qui grogne) : « Alors ? ! » Et elle me fit un sourire cruel : « Tout va bien ! ».

Arno Schmidt, « Sortie scolaire », Histoires, Tristram, p. 137.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
structure

Dans l’incident, ce n’est pas la cause qui me retient et retentit en moi, c’est la structure. Toute la structure de la relation vient à moi comme on tirer une nappe : ses redents, ses pièges, ses images […]. Je ne récrimine pas, je ne suspecte pas, je ne cherche pas les causes ; je vois avec effroi l’ampleur de la situation dans laquelle je suis pris ; je ne suis pas l’homme du ressentiment, mais celui de la fatalité.

Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 84.

Élisabeth Mazeron, 9 déc. 2009
lambeaux

La solitude m’était déjà nécessaire. Je recherchais la société des arbres car ils n’ont pas besoin de notre assentiment pour être des arbres, ni, nous, de leur donner quelque chose qu’ils nous rendront en lambeaux, tout brûlé.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 50.

Élisabeth Mazeron, 9 juin 2010
cinquantaine

Quand on pense à la cinquantaine qui guette les premiers hippies, le cœur se serre.

Paul Morand, « 16 octobre 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 635.

David Farreny, 23 sept. 2010
français

Les objets français contribuaient à me rassurer, ils avaient quelque chose de grêle, de gai, de moins « sérieux » que les objets allemands. Les bicyclettes par exemple étaient fines et légères, elles ressemblaient aux allumettes. Les autos paraissaient plus hautes sur pattes, on eût dit de vieilles dames de bonne famille. Il y avait en France des barrières de ciment qui imitaient les troncs d’arbres avec nœuds dans le bois et écorce et des allumettes qui s’enflammaient quand on les frottait sur le pantalon. Les pièces de monnaie avaient un trou au milieu. C’était un peu comme en Italie, tout semblait plus maigre, plus alerte, plus rapide qu’en Allemagne.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 171.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
change

Certains hommes se placent au-dessus de leur malheur pour rendre compte de celui des autres. Il arrive que leur roman nous donne l’idée de la vie absolue, aussi bien du voisin que de la nôtre, pendant qu’on les lit. C’est presque ça. Puis on les quitte. On ressort. Et tout recommence. Mais peut-être ont-ils tout dit. Un homme, peut-être, peut tout dire. Ça ne change rien. Voilà notre drame.

Georges Perros, Papiers collés (3), Gallimard, p. 17.

David Farreny, 24 mars 2012
ex

Ils disent, elles disent, mon ex. Ex-femme, ex-mari, ex-maîtresse… Expression sans s. Sans sexe. L’Ex est ce qui reste quand le sexe est tombé et quand il n’en reste que le mon. Raccourci. Il (ou elle) est castré de son s. Et au fond tout conjoint au bout de quelques mois.

Philippe Muray, « 23 mars 1984 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 438.

David Farreny, 23 août 2015
travail

Hommage à Mariano, d’Almería. À quarante et un ans, il vit encore chez sa mère. Il se rend pour la première fois au travail et meurt le jour même. C’est dans le journal.

Iñaki Uriarte, Bâiller devant Dieu, Séguier, p. 78.

David Farreny, 28 fév. 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer