fendu

Le lendemain matin, la sonnerie du réveil a fendu mon sommeil comme une hache. Je n’avais qu’une envie, c’était de me rendormir, de me faire porter pâle et de remettre mes débuts au lendemain. Tout autour, j’entendais le crachotis de la pluie. La chambre baignait dans une lumière crépusculaire, qui semblait à la fois plus vive et plus sourde que celle à laquelle j’étais accoutumé. Je suis allé à la salle de bains m’asperger le visage et chier sans joie avant de cavaler pour attraper le bus. Le ciel était fienteux et maladif. Les trottoirs grouillaient déjà d’un monde qui pataugeait dans les flaques pour aller au boulot. Et ceci, ai-je saisi avec horreur, se répétait tous les matins : le tumulte affairé de la métropole.

Geoff Dyer, La couleur du souvenir, Joëlle Losfeld, p. 12.

David Farreny, 21 mars 2002
nommeuse

Car notionneuse est capitalement la culture ; la notion est la cellule de sa texture ; notionneuse et nommeuse.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 75.

David Farreny, 14 avr. 2002
administration

Crab naquit avec le cerveau à la place du cœur, et inversement, on attendait de lui de grandes choses, on redoutait aussi le pire, mais il apparut vite que cela ne changeait rien, et lorsqu’à vingt ans, il manifesta le désir d’entrer dans l’administration, nombreux furent ceux qui se désintéressèrent complètement de son cas.

Éric Chevillard, La nébuleuse du crabe, Minuit, p. 85.

David Farreny, 2 sept. 2002
rapporte

Nous avons tenu, et la création avec nous, dans la paume tiède, brunie, d’une main dont l’empan n’excédait pas outre mesure le nôtre. Nous avons habité un monde dont les bords, en se relevant, nous épargnaient le vertige des grandes étendues, avec son contre-coup, l’exiguïté sentie de nos embrassements, la tragique finitude de notre condition, son goût douceâtre de néant.

La connaissance vient après, à supposer qu’elle vienne jamais. Elle n’est pas exactement un mal mais elle s’y rapporte. Elle sert à remédier à ce qui, soudain, ne va plus.

Pierre Bergounioux, Le fleuve des âges, Fata Morgana, pp. 10-11.

David Farreny, 24 nov. 2005
lieu

« Je ne sais pas ». Presque une devise, à force de reprises. Je crois vraiment qu’en poésie l’important n’est pas de savoir mais de faire. On sait éventuellement un peu après, mais ce savoir frêle est déjà dépassé par le faire suivant. C’est cela, créer, à la différence de réaliser ou d’exécuter. Pas d’angoisse donc, dans cette position de non-savoir : c’est le lieu où il faut être pour écrire.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 12.

Cécile Carret, 4 mars 2010
portiques

Et si ce n’est ce chant, je vous le demande, qui témoignera en faveur de la Mer — la Mer sans stèles ni portiques, sans Alyscamps ni Propylées ; la Mer sans dignitaires de pierre à ses terrasses circulaires, ni rang de bêtes bâtées d’ailes à l’aplomb des chaussées ?

Saint-John Perse, « Amers », Œuvres complètes, Gallimard, p. 264.

Guillaume Colnot, 3 avr. 2013
exemple

Prenons par exemple, assise dans une cellule vide et cubique d’apparence carcérale, une jeune femme nommée Céleste Oppenheim.

Jean Echenoz, « Nitrox », Caprice de la reine, Minuit, p. 87.

Cécile Carret, 26 avr. 2014
évites

Les religions instituées, visibles, ne sont plus là que pour te faire croire que le tout de la religion se résume en elles, et que tu n’as donc rien à redouter si tu les évites.

Plus la société sera dévote, plus elle aura besoin de ces vieux panneaux « obscurantistes » si commodes pour cacher les nouveaux autels.

Il y a tant et tant d’illusions qui n’ont pas encore été défrisées !

Tant et tant de croyances qui n’ont pas été réfutées !

Tant et tant d’espoirs qui n’ont pas été déçus !

Philippe Muray, « 11 novembre 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 233.

David Farreny, 29 fév. 2024

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