rompre

Lazare disait encore : Je suis fatigué de ce pays qui ne peut rien pour un gars comme moi, mais, si je rentre, j’aurai l’impression d’avoir vieilli inutilement alors qu’ici, où il n’y a rien à faire, ma jeunesse s’étire sans se rompre.

Marie NDiaye, Rosie Carpe, Minuit, p. 249.

David Farreny, 27 déc. 2002
épigastriques

Le rire définit un genre, nullement une qualité ; il y a des rires épigastriques qui dérident, il y en a d’autres, viscéraux, qui ébranlent : il faut choisir.

Roland Barthes, « Les trois mousquetaires », Œuvres complètes (1), Seuil, p. 1014.

David Farreny, 5 déc. 2004
lambin

Une volée de marches. Sonner chez Eduard. Attendre tranquillement. Puis resonner deux fois : il n’était pas très rapide quand il devait se dépêtrer du fouillis de ses rêves.

 : « Eh mais ? ! » (moi ; étonné).

Car il existe bel et bien des gens qui, en ouvrant la porte, possèdent cette faculté d’examiner le visiteur d’un air si absent, si déconcerté-incrédule, qu’on se sent aussitôt inférieur ; une chose intermédiaire entre le commis voyageur et le mendiant ; on a envie de se protéger le visage du bras et de dévaler l’escalier ; avec l’impression d’être un fainéant, un lambin, un importun, un sarcopes minor – oh, vite, de l’air ! !

Arno Schmidt, « À la lunette », Histoires, Tristram, p. 126.

Cécile Carret, 2 déc. 2009
bruire

Une fois, l’autre m’a dit, parlant de nous : « une relation de qualité » ; ce mot m’a été déplaisant : il venait brusquement du dehors, aplatissant la spécialité du rapport sous une forme conformiste.

Bien souvent, c’est par le langage que l’autre s’altère ; il dit un mot différent, et j’entends bruire d’une façon menaçante tout un autre monde, qui est le monde de l’autre. […] Le mot est une substance chimique ténue qui opère les plus violentes altérations : l’autre, maintenu longtemps dans le cocon de mon propre discours, fait entendre, par un mot qui lui échappe, les langages qu’il peut emprunter, et que par conséquent d’autres lui prêtent.

Roland Barthes, « Altération », Fragments d’un discours amoureux, Seuil, pp. 34-35.

Élisabeth Mazeron, 7 déc. 2009
concomitance

Ils se grattèrent le front à la naissance des cheveux au même moment mais sans concertation ; un soudain et commun besoin de montrer qu’ils réfléchissaient. La concomitance du geste suggérait un acte chorégraphique qui sapa l’idée même d’une réflexion, fit d’eux des singes devant une conque.

Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 111.

Cécile Carret, 10 déc. 2009
on

On s’étonne aussitôt que Marconi soit parvenu à ses fins par des moyens si simples. On s’interroge sur lui. On ignore qu’il n’a fait qu’user habilement d’un des brevets, le n° 645.576, déposé par Gregor quelques années plus tôt mais insuffisamment protégé. On n’a pas le moyen de savoir que ce brevet a été anonymement posté à Marconi. Le saurait-on qu’on pourrait se demander, en étudiant l’adresse manuscrite sur l’enveloppe qui le contenait, si ne s’y distingueraient pas des points communs avec l’écriture d’Angus Napier. Même si, quarante-deux ans plus tard, la Cour suprême reconnaîtra l’antériorité des travaux de Gregor en matière de transmission radio, en attendant, quarante-deux ans plus tôt, c’est encore un sale coup pour lui.

Jean Echenoz, Des éclairs, Minuit, p. 121.

Cécile Carret, 11 oct. 2010
élastique

riant du guépard si véloce que son train arrière a du mal à le suivre et que son flanc élastique s’étire tant que, lorsqu’il s’arrête enfin, le corps distendu du félin mesure la longueur de sa course, puis son arrière-train l’assomme

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 21.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
beauté

(Qu’est-ce que ce besoin que nous avons de beauté ? Un caractère acquis, un réflexe conditionné, une convention linguistique ? Et la beauté physique, en soi, qu’est-ce ? Un signe, un privilège, un don irrationnel du sort, comme – ici – la laideur, la difformité, la déficience ? Ou bien un modèle sans cesse changeant que nous forgeons, plus historique que naturel, une projection de nos valeurs et notre culture ?)

Italo Calvino, La journée d’un scrutateur, Seuil, p. 33.

Cécile Carret, 8 janv. 2012
foi

Lire comportait un travail sourd, spécial, hasardeux, souvent infructueux, visant à corriger cette déformation prismatique. Il fallait sans cesse déplacer l’accent. Ce que, spontanément, nous jugions significatif, bon, important, réel ne possédait aucune de ces qualités sur la page. À l’exception de travaux savants, d’un traité de géologie, en deux volumes, dont je reparlerai, les livres que je consultais à la bibliothèque municipale renvoyaient invariablement à des faits, des gens, des endroits dont nous n’avions nulle expérience et dont l’existence, par suite, présupposait de notre part un acte de foi. Il fallait d’abord se persuader que les caractères imprimés se rapportaient à quelque chose d’effectif. L’opération était relativement aisée lorsqu’il s’agissait d’ouvrages didactiques. Pour étranges, incroyables, parfois, qu’aient pu paraître des personnages, des événements, des animaux, des machines, ils ne faisaient qu’ajouter de l’ampleur, de grands gestes, des phrases superbes, des crocs, des couleurs, des chevaux-vapeur à la version simplette qui traînait dans les parages. Mais les récits d’imagination me jetaient dans un extrême embarras.

Pierre Bergounioux, Géologies, Galilée, pp. 18-19.

David Farreny, 7 juin 2013
rallongent

Les jours rallongent et je ne suis pas prêt.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 155.

David Farreny, 30 juin 2014

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