croupetons

On se met à croupetons et l’on a ainsi la sensation d’être chez soi.

Maurice Roche, Compact, Tristram, p. 107.

David Farreny, 20 mars 2002
contradictions

Chez la plupart des théoriciens, on trouve des textes réclamant ou soutenant, dans certains cas, l’opposé précisément de ce que ces auteurs sont fameux pour avoir réclamé et soutenu. Il ne s’agit pas de contradictions, mais de raffinements.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., p. 32.

David Farreny, 13 avr. 2002
solution

Étrange mois d’août que celui qui s’achève. Le premier, depuis sept ans, que je n’aurai pas passé à écrire, et, de ce fait, reposant, pacifique, malgré le labeur d’esclave qui l’a rempli, sans l’ébranlement, les poisons mortels du travail de plume. Il y avait infiniment à faire mais c’étaient des choses précises, successives, qui ne réclamaient que du temps, les outils adéquats, une quantité déterminée d’énergie et pour lesquelles il existait a priori une solution.

Pierre Bergounioux, « mardi 29 août 1989 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 828.

David Farreny, 20 avr. 2006
manivelle

Le Nombre augmente.

Uniformément l’œuf, par myriades, l’œuf, les sorties de l’œuf ; famille pour les besoins de l’œuf, famine pour les besoins de l’œuf, chaîne sans fin, manivelle venue des désirs. Que d’ovaires offerts de par le monde !

Henri Michaux, « Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1182.

David Farreny, 7 août 2006
irrévolue

Le faîtage du bâtiment fléchit, comme si la charpente, rongée par les vers, accablée par les ans, devait rompre. Obliquement greffée sur un angle externe du carré, une construction à claire-voie, sans étage, exhibe ses carreaux cassés. Des arbres poussent en bataille dans un réservoir à sec qui jouxte celui où l’on a cherché en vain à discerner un grouillement de carpes. L’eau qui brise sous le pont, déborde du canal et s’échevelle sur le talus infesté de broussailles, fait un aaaaahhh continuel, harassant qui couvre, à supposer qu’ils existent, les bruits qui pourraient provenir de l’édifice, chant grégorien, mugissement des bœufs, cri des limes, prière. Une chose est sûre, pourtant, une certitude se dégage de la perplexité que suscite l’endroit. C’est qu’il est d’une autre époque. Ce n’est pas seulement dans un vallon écarté qu’on s’est enfoncé mais dans les couches profondes d’une durée partout ailleurs ensevelie, détruite, qui affleure, intacte et comme irrévolue, ici.

Pierre Bergounioux, Les forges de Syam, Verdier, p. 18.

Élisabeth Mazeron, 3 fév. 2008
évite

L’amour est une invention des histoires d’amour. Un personnage des contes, comme les sorcières et les dragons. Tout ça est infantile. L’idée de s’aimer à travers un autre me répugne. J’évite.

Pierre Jourde, Festins secrets, L’Esprit des péninsules, p. 230.

David Farreny, 2 déc. 2009
quiétude

Le délice de ces matinées : le soleil, la maison, les roses, le silence, la musique, le café, la quiétude insexuelle, la vacance des agressions.

Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Seuil.

David Farreny, 27 mars 2010
mauvaise

Chez les hommes, il y a trop peu d’enfance, de créativité, d’authenticité, d’absurdité même ; par contre il y a beaucoup trop de masculinité, de maturité : ils sont plus blets que mûrs. Ils ont l’haleine chargée, ils ont trop bu, trop fumé, c’est l’éternité mauvaise, la soirée a perdu son sens, ça fait longtemps qu’ils auraient dû rentrer chez eux ; mais les hommes restent à table, torse nu, et ils mangent, froide, une patte de poule, on dirait une main humaine : telle est souvent l’image de notre convivialité.

Maxime Ossipov, Ma province, Verdier, p. 38.

David Farreny, 2 juin 2011
ici

Quelqu’un qui, venant ici pour la première fois, entendait cet assourdissant carillon et voyait toutes ces marbreries et ces pompes funèbres, pouvait penser qu’ici on ne vivait pas, qu’on ne faisait ici que mourir. À l’intérieur de ces magasins, les commerçants étaient assis près des cercueils, près des dalles funéraires, avec cette foi aveugle au fond d’eux-mêmes qui est celle de tout commerçant, cette certitude que les gens n’ont besoin que de leur marchandise, idée fixe qui non seulement les rendait heureux, mais grâce à laquelle ils s’enrichissaient, élevaient leurs enfants, entretenaient honorablement leur famille. Ákos a regardé par une des vitrines. Les cercueils en métal étaient les uns après les autres, de toutes les tailles, il y en avait même pour enfants, ce qui n’empêchait pas le boutiquier de fumer un cigare, la femme de lire le journal et le chat angora de faire sa toilette dans un cercueil en bois. Ce n’était après tout pas si laid.

Dezsö Kosztolányi, Alouette, Viviane Hamy, p. 69.

Cécile Carret, 4 août 2012
plutôt

Tout le jour, j’avais échappé à sa traque obstinée. Mais là, je n’en pouvais plus. En trois bonds, le lion fut sur moi. Il me fit rouler au sol d’un coup de patte et, comme il s’apprêtait à refermer ses crocs sur ma gorge, je lui montrai le soleil qui se couchait derrière les hautes herbes :

– Ce n’est pas plutôt l’heure où vous allez boire ?

Éric Chevillard, « lundi 9 juin 2014 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014
réfringent

Enseigne-moi comment donner de la force à mes décisions salutaires, enseigne-moi à vouloir sérieusement ce que je veux, enseigne-moi la persévérance lorsque les tempêtes du destin ou que le revers d’une main balaient la construction de trois années. Enseigne-moi à parler au cœur des hommes sans que mon propos ne change de direction en traversant le centre réfringent de leur système d’opinions.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 202.

David Farreny, 11 déc. 2014
suffisent

Des sept péchés capitaux, deux ou trois suffisent.

Baldomero Fernández Moreno, « Air aphoristique », Le papillon et la poutre.

David Farreny, 8 juil. 2015

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