métriques

Le port sécrète de l’avenir, réconforte avec ses quintaux métriques d’éléments vitaux et premiers.

Michel Besnier, Cherbourg, Champ Vallon, pp. 64-65.

David Farreny, 22 mars 2002
radieuse

Je ne trouve rien à écrire, je ne sais que flâner autour des lignes dans la lumière de vos yeux, dans l’haleine de votre bouche, comme dans une journée radieuse, une journée qui reste radieuse même si la tête est malade, même si le cerveau est fatigué, même si je dois partir lundi par Munich.

Franz Kafka, Lettres à Milena, Gallimard, p. 36.

David Farreny, 23 mars 2002
temps

J’ai d’abord aimé, comme tout le monde, l’effet de la légère ivresse, puis très bientôt j’ai aimé ce qui est au-delà de la violente ivresse, quand on a franchi ce stade : une paix magnifique et terrible, le vrai goût du passage du temps. Quoique n’en laissant paraître peut-être, durant les premières décennies, que des signes légers une à deux fois par semaine, c’est un fait que j’ai été continuellement ivre tout au long de périodes de plusieurs mois ; et encore, le reste du temps, avais-je beaucoup bu.

Guy Debord, Panégyrique, Gallimard, p. 43.

Guillaume Colnot, 18 juil. 2002
heuristique

Tant qu’il occupe un espace en surface, un corps peut être considéré comme vivant. Avant cela il n’y a pas de terme pour le définir, ou alors les brouillards du Rhône, proposition poétique mais non heuristique.

Jean-Jacques Bonvin, La résistance des matériaux, Melchior, p. 36.

David Farreny, 12 mars 2003
solution

Solution provisoire : se coucher.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 33.

David Farreny, 19 nov. 2006
âme

J’étais dans l’incapacité totale de réfléchir avec mesure et de m’accrocher à une explication. Je découvrais, d’un coup, que le monde m’avait lâché et je me tenais sur son bord comme au-dessus d’un abîme qui me fascinait et m’aspirait et me hantait de terreur. Ce mur vidé de sa matière et réduit à sa fantomatique blancheur d’avant toute forme s’ouvrait en vertige dans l’intime profondeur de mon corps. J’en étais malade. Je me trouvais devant lui comme devant une fenêtre dont l’appui aurait disparu, avec l’appréhension d’une chute inévitable et le sentiment de la vanité qu’il y avait à vouloir en reculer l’échéance. Et cependant je ne tombais pas. Je me tenais encore debout, tout contre, les jambes molles, la gorge sèche, l’estomac chaviré, tout le corps inondé d’une sueur glacée. Peut-être un cri cherchait-il son issue dans cette débâcle de la chair. Mais il ne vint pas. Il ne vint jamais. Il demeura et demeure encore en moi comme un pur possible soumis à la phrase qui l’enveloppe, le retient, le porte à ses limites sans jamais le laisser fuser. Et l’âme, si elle est, n’est rien d’autre.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, pp. 61-62.

Élisabeth Mazeron, 15 mars 2010
structurel

Puissance à rebours de l’écriture du manque.

Écrire l’absence relève du thématique, écrire le manque, cela devient structurel. D’où le non-développement.

Gérard Pesson, « mardi 26 novembre 1991 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 41.

David Farreny, 22 mars 2010
coin

C’était un petit établissement d’angle, avec deux tables sur le trottoir. Entre les rares voitures qui passaient, on entendait le bruit d’un torrent. Un type est venu s’asseoir à l’autre table, il a commandé un café. Pendant un moment, il n’y a eu que lui et moi dans ce coin de village. Je me suis demandé s’il entendait le bruit du torrent, s’il l’écoutait. Il avait l’air passif. Il n’avait pas de bagage avec lui, pas de porte-documents, pas de sac à dos, il était habillé de façon neutre, comme moi – j’étais parti un peu vite. Je me suis dit qu’il devait sortir de sa voiture, lui aussi. Il avait le nez gros, l’œil aiguisé, de temps à autre il se passait un index sur les lèvres, à l’horizontale. La cinquantaine, peu de mâchoire. J’ai tenu un quart d’heure comme ça, puis c’est devenu insupportable.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 15.

Cécile Carret, 26 sept. 2011
repère

Je retrouve ces notes prises lors de la sortie de S21 – La machine de mort Khmère rouge : « C’est au cinéaste de trouver la juste mesure. La mémoire doit rester un repère. Ce que je cherche, c’est la compréhension de la nature de ce crime et non le culte de la mémoire. Pour conjurer la répétition. » Plus loin : « La base de mon travail documentaire est l’écoute. Je ne fabrique pas l’événement. Je crée des situations. J’essaie de cadrer l’histoire, le plus humainement possible, au quotidien : à la hauteur de chaque individu. » Enfin : « Je n’ai jamais envisagé un film comme une réponse ou comme une démonstration. Je le conçois comme un questionnement. » À ceux qui ont fui à temps, à ceux qui ont échappé aux Khmers rouges, à ceux qui ont oublié, ou qui ne veulent pas voir, je donne ces images : qu’ils puissent voir ; qu’ils voient.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 100.

Cécile Carret, 7 fév. 2012
infiltrer

Il se blottissait contre elle le soir sur la natte. Ils regardaient la lune par la fenêtre. Elle restait froide, le dos tourné. Lui éprouvait un sentiment cotonneux, d’une mollesse épouvantable. Alors ils ne prononçaient plus un mot, et c’était comme si quelque chose de la mort, quelque chose du moins relevant de notre misère à tous, était venu rôder là sur leur natte et s’infiltrer dans l’interstice suave, trop suave, de leurs corps enlacés.

Julien Péluchon, Pop et Kok, Seuil, p. 37.

Cécile Carret, 9 mars 2012
note

Ce doit être la tartine dit-il, il y a soixante ans que je n’en mange plus. Et il note sur un bout de papier pour le lendemain attention tartine.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 64.

Cécile Carret, 7 déc. 2013
situation

J’ai la rime – yack et kayak –, il me reste à trouver le lieu et la situation.

Éric Chevillard, « mercredi 10 février 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 9 mars 2016
habitudes

Les choses souvent répétées ne sont plus réellement vécues, elles sont jouées, elles sont mimées – ainsi de certaines habitudes sur les lieux de vacances familiers. Nous nous y livrons sans engagement, presque sans conscience, fantômes en visite déjà dans notre propre existence.

Éric Chevillard, « vendredi 28 avril 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer