bêtise

La bêtise, c’est ce qui parle trop fort.

Renaud Camus, « Voix basse », Syntaxe ou l’autre dans la langue, P.O.L., p. 206.

David Farreny, 10 déc. 2004
ruine

Tactiques, géographies, temps qu’il fait et propos civils ne sont pas du côté des morts. À nous en prélude l’humidité, la confusion, la fadeur nauséeuse des jours, un peu de salive au coin des lèvres, une stupeur immobile, qui ne valent cependant ni quitus ni consentement à ces perspectives de ruine.

Mathieu Riboulet, Mère Biscuit, Maurice Nadeau, p. 44.

Élisabeth Mazeron, 7 nov. 2007
canines

Ô rictus faussement souriants, ô mon amour déçu. Car j’aime, et lorsque je vois en son landau un bébé aimablement m’offrir son sourire édenté, angélique sourire tout en gencives, ô mon chéri, cette tentation de prendre sa mignonne main, de me pencher sur cette main neuve et tendrement la baiser, plusieurs fois la baiser, plusieurs fois la presser contre mes yeux, car il m’émeut et je l’aime, mais aussitôt cette hantise qu’il ne sera pas toujours un doux bébé inoffensif, et qu’en lui dangereusement veille et déjà se prépare un adulte à canines, un velu antisémite, un haïsseur qui ne me sourira plus. Ô pauvres rictus juifs, ô las et résignés haussements d’épaules, petites morts de nos âmes.

Albert Cohen, Ô vous, frères humains, Gallimard, p. 10.

Bilitis Farreny, 22 avr. 2008
protestantisme

L’origine de la révolte généralisée dans laquelle nous vivons, c’est la Résistance ; les résistants ont ennobli, glorifié, mis au goût du jour ce nouveau protestantisme ; il n’y aura bientôt plus que des révoltés, d’abord côte à côte, puis, lorsque l’objet de la révolte aura disparu, face à face.

Paul Morand, « 5 août 1974 », Journal inutile (2), Gallimard, pp. 302-303.

David Farreny, 26 août 2010
pigeon

Le pigeon, pourtant.

Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.

Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu’agite un navrant va-et-vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation parasitique, son absence d’ambition, son inutilité crasse.

Jean Echenoz, Des éclairs, Minuit, p. 142.

Guillaume Colnot, 19 oct. 2010
relation

Pourrai-je jamais entrer en relation avec la vie ?

Georges Perros, « Feuilles mortes », Papiers collés (3), Gallimard, p. 260.

David Farreny, 27 mars 2012
poupon

D’où il termine en affirmant que les livres, oui, tous, dit-il, tous les romans qui marchent, toutes les histoires à bons sentiments filmables d’aujourd’hui, excellentes intentions, irréprochable morale, synopsis philanthropes, pourraient se résumer, se traduire, se transcrire sur écran sous la forme, au fond, d’une sorte d’énorme poupon.

Philippe Muray, Postérité, Grasset, p. 91.

David Farreny, 5 déc. 2012
éléments

À quelque distance de la ville, on peut rêver le désert, la solitude la plus absolue. Toutes les maisons disparaissent entre les collines qui les abritent, et l’on n’aperçoit que la mer, les montagnes et le ciel. Là règne le silence des lieux inhabités. Pas une voix humaine ne se fait entendre, pas un chant d’oiseau ne s’élève dans l’air, pas une feuille ne soupire. Tout est calme, repos, sommeil ; et si après avoir contemplé ce tableau oriental, on reporte ses regards sur cette terre si nue, sur ces landes rocailleuses qu’on a à ses pieds, on dirait que la nature a jeté là par grandes masses tous les éléments d’une création splendide, et ne s’est pas donné la peine d’achever son œuvre.

Xavier Marmier, Lettres sur le Nord, Delloye.

David Farreny, 21 avr. 2013
la

L’immense lenteur du monde. La rapidité de la mort.

Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 17.

Cécile Carret, 22 sept. 2013
débarrasser

Le fou secouait la cloche pour la débarrasser de tout ce bruit.

Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 14 juin 2016
Limoges

C’est-à-dire que, si j’avais eu précédemment l’impression d’arriver quelque part en entrant dans Limoges, le fait d’y avoir rencontré Antoine Levasseur annulait plus ou moins la nouveauté de ma découverte, et, bien que je ne recherchasse pas précisément la nouveauté, bien que je fusse d’abord soucieux d’anonymat, j’avais nettement l’impression que, concernant Limoges, je devais abandonner l’espoir de m’y avancer en terrain vierge. Et même, pensais-je, de m’y faire en quelque façon mon trou, de m’y cacher, de m’y dissoudre. Antoine Levasseur, par son surgissement suivi de la pression de sa main, venait d’oblitérer la ville, il venait de l’invalider. Je pouvais aussi bien jeter Limoges, qui avait en somme déjà servi.

Christian Oster, Massif central, L'Olivier, p. 57.

David Farreny, 28 fév. 2024
Inquisition

Par sa clarté desséchante, par son refus de l’insolite et de l’incorrection, du touffu et de l’arbitraire, le style du XVIIIe siècle fait songer à une dégringolade dans la perfection, dans la non-vie. Un produit de serre, artificiel, exsangue, qui, répugnant à tout débridement, ne pouvait en aucune façon produire une œuvre d’une originalité totale, avec ce que cela implique d’impur et d’effarant. En revanche, une grande quantité d’ouvrages où s’étale un verbe diaphane, sans prolongements ni énigmes, un verbe anémié, surveillé, censuré par la vogue, par l’Inquisition de la limpidité.

Emil Cioran, « Écartèlement », Œuvres, Gallimard, p. 913.

David Farreny, 1er mars 2024

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