Je vois mon cortex.
Georges Perec, « Rêve n° 64 : l’os », La boutique obscure, Denoël.
Averse nocturne
il pleut sous le réverbère
mille gouttes rebondissent
touche ton radiateur
hmm sens comme il est chaud
puisque tu donnes ta vie
pour n’être pas
sous le réverbère
Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 71.
C’est déjà un tel programme une femme aimée dans une vie d’homme.
Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 169.
Quand la belle saison est là, on ne sait plus pourquoi on attendait la belle saison.
Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 62.
Mercredi – Pour réussir à voir ce que cache cette fenêtre, il faudrait allonger le cou et contourner le métro d’en face, sauter par-dessus la rambarde et attendre le moment où le soleil entrera dans la chambre. S’il arrive.
Jeudi – De la voiture encore, à la même heure mais sur un trajet différent. Tout voir brusquement à ras de terre, l’Art nouveau, la dentelle aux rideaux, les rideaux de fer et les Buttes-Chaumont (un crâne d’herbe).
Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 13.
Je reprends une phrase de ta dernière lettre : il y a une grande énigme dans la nature. La vie dans l’abstrait est déjà une énigme ; la réalité en fait une énigme au cœur d’une autre énigme. Qui sommes-nous pour prétendre la résoudre ?
Vincent van Gogh, « La Haye, 1882 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 240.
(Seules les 2 à gauche de l’entrée ont des nappes, celles où on a installé les rupins surveillés de près, avec les coupes de glace tenues par de fines spirales de doigts, sur lesquelles surnagent des nœuds de cravate en zeste de citron : LUI affichant cette componction et cette très-digne fadeur si inestimable dans les emplois de la fonction publique (en fait si con que s’il devait travailler en indépendant, il n’arriverait même pas à vendre des glaces en enfer !) ; ELLE du genre à vous planter, à peine arrivée au camping, des petites fleurs jaunes devant la tente, avec l’obligatoire pomme de pin posée à côté.)
Arno Schmidt, « Tambour chez le tsar », Histoires, Tristram, p. 151.
Il tourne à gauche, sans accélérer, inutile d’accélérer, il aperçoit déjà le ralentisseur.
Boum, hop, boum.
Les organes en souffrent, y compris ceux de l’homme, descente, collapsus anal.
Pour éviter ça il faut freiner juste avant d’aborder la bosse, les amortisseurs s’écrasent, puis relâcher le frein, les amortisseurs se détendent, la voiture boit l’obstacle. Un pli à prendre.
Christian Gailly, Les fleurs, Minuit, p. 25.
L’immense lenteur du monde. La rapidité de la mort.
Emmanuelle Guattari, Ciels de Loire, Mercure de France, p. 17.
Avec l’arrivée dans le roman de tous ceux qui écrivaient autrefois de « difficiles » essais, des poèmes épineux, d’opaques analyses, un grand dévoilement s’opère, une sorte d’apocalypse. On voit enfin ce qu’ils avaient dans le ventre. Rien que ça ! Ces banalités. Ces trois ou quatre vulgarités. Et c’est eux qui les révèlent ! Et personne ne les y obligeait ! Personne.
Philippe Muray, « 1er septembre 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 155.