chamoisée

Penchée sur la baignoire basse elle ouvrit les robinets jumeaux, puis se pencha un peu plus encore pour loger dans son embouchure le bouchon à chaîne de bronze — qui s’enfonça de lui-même tandis que Van immobilisait l’adorable lyre d’Ada et un instant plus tard touchait à la racine de la douceur chamoisée, était happé, englouti entre les lèvres à la doublure cramoisie, familières, incomparables. Ada saisit à deux mains les robinets secourables, augmentant sans le vouloir le volume sympathique du bruit de la cataracte et Van laissa échapper une longue plainte de délivrance…

Vladimir Nabokov, Ada ou l’ardeur, Fayard, p. 469.

David Farreny, 4 nov. 2002
manière

Comment dire cela ? Il aurait fallu une manière accidentée que je ne possède pas, faite de surprises, de coq-à-l’âne, d’aperçus en un instant, de rebondissements et d’incidences, un style instable, tobogganant et babouin.

Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 620.

David Farreny, 24 août 2003
rien

Le chef ne fait que dire le chantier. Rien d’autre.

Si on l’écoute : où est le monde ? qu’est-ce qu’on fait ?

Comment savoir ?

On parle de rien ici.

C’est comme ça tous les jours.

Thierry Metz, Le journal d’un manœuvre, Gallimard, p. 42.

David Farreny, 5 sept. 2004
fait

Comme il reçoit énormément d’imperceptibles, il irradie de l’imperceptible, et sans fin, pour rien, pour personne, fait des variations.

Henri Michaux, « Face à ce qui se dérobe », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 881.

David Farreny, 29 juil. 2006
inlassable

Comme il y a un style mescaline, il y a des couleurs de la Mescaline. À qui en a pris, vous pouvez les montrer dans la réalité. Elles seront reconnues. (Non toujours celles-là, mais celles qui auront le même air de famille.)

Les criardes d’abord. Des rouges stridents passent près de verts absolus. C’est un drame optique. Les écœurantes ensuite. Des pierreries en quantité, visiblement fausses, sont l’inlassable cadeau.

Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 672.

David Farreny, 4 mars 2008
comme

Et à plat, toujours regagnant le plat, elle luisait comme une petite flaque. Mandex la prit et l’étala sur sa main à hauteur de leur visage et, tentant de l’y retenir mais sans l’attraper, il la vit glisser entre ses doigts, fuyant de tous côtés, doucement, toujours sans offenser, quittant les hauteurs comme de l’eau, du sable. Bien par terre, je ne suis bien que par terre. Sa tranquillité les apaisa comme une suprématie facile. Parce qu’ils ignoraient son usage, ils lui prêtèrent une profondeur psychologique, et pourquoi pas, un exemple à suivre.

Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 111.

Cécile Carret, 10 déc. 2009
voulait

Elle a senti son cœur sous sa peau brûlante qui battait. Puis il l’a embrassée comme si elle avait dans la bouche quelque chose qu’il voulait. Des mots, sans doute.

Claire Keegan, L’Antarctique, Sabine Wespieser, p. 25.

Cécile Carret, 19 déc. 2010
première

Les grandes promenades dans Paris, je les fais généralement à pied. J’ai parfois recours à l’autobus ou au métro, fusées porteuses qui me placent sur orbite. […] Je me parachute dans des secteurs moins connus pour le plaisir des quelques secondes pendant lesquelles, au sortir de la bouche de métro, complètement désorienté, je ne sais plus où je suis. Cette impression ne dure pas car, en vieux Parisien, je retrouve quand même assez vite mes marques, mais elle est vertigineuse. En montant les escaliers d’une station uniquement choisie pour son nom, parce qu’il ne me disait rien, j’émerge progressivement à la surface de la ville, dans une rue ou un carrefour inconnus à première vue, et c’est comme une nouvelle naissance.

Marc Augé, Journal d’un S.D.F. Ethnofiction, Seuil, p. 67.

Cécile Carret, 27 fév. 2011
engendrement

À la lumière, par conséquent, fait défaut l’unité concrète avec soi que la conscience de soi possède en tant que point infini de l’être-pour-soi ; et c’est pourquoi la lumière est seulement une manifestation de la nature, non pas de l’esprit. C’est pourquoi, deuxièmement, cette manifestation abstraite est en même temps spatiale, absolue expansion de l’espace, et non pas la reprise de cette expansion dans le point d’unité de la subjectivité infinie. La lumière est dispersion spatiale infinie, ou, bien plutôt, infini engendrement de l’espace.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Des manières de considérer la nature (additions) », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, p. 394.

David Farreny, 28 fév. 2011

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