Les Norvégiens sont translucides ; exposés au soleil, ils meurent presque aussitôt.
Michel Houellebecq, Lanzarote, Flammarion, p. 18.
Il faut que l’inquiétude subsiste.
Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 507.
Je n’avance que d’une page et demie parce que j’évolue dans l’abstraction, l’univers raréfié des catégories.
Pierre Bergounioux, « dimanche 12 août 1990 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 917.
Les deux hommes continuent à parler. Parler ! C’est d’avoir parlé qu’il reste partout des constructions, des constructions embarrassantes, inutiles, devenues énormes, cyclopéennes, de plus en plus inutiles, sans emploi, par l’adjonction de nouvelles paroles, de nouveaux parleurs… qui toujours laissent des restes.
Henri Michaux, « En rêvant à partir de peintures énigmatiques », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 699.
Elle semblait s’entêter. Qu’elle fût en même temps flasque et résistante les inquiéta. Ça ne leur disait rien, ne leur rappelait rien. Une manière de film gras, opalescent, de voile laiteux, comme une bouffée de fumée figée, enduisait la surface qui leur glissait entre les doigts sans les graisser pour autant, du gras non gras. En même temps, gentille, ouverte à toutes les comparaisons.
Alain Sevestre, Les tristes, Gallimard, p. 110.
L’école du respect ignore superbement les distinctions fondatrices du respect de l’école. La réalité humaine qu’elle prend en charge est tout d’une pièce. La culture dont elle est occupée n’est plus une ascèse personnelle et une destination commune, c’est une origine particulière et un intouchable prédicat. Ce n’est plus un cheminement ou un arrachement, c’est un monolithe. Ce n’est plus le soin de l’âme — car l’âme a rendu l’âme — c’est une déclaration d’identité. Alors même qu’il est confronté à la violence de l’être brut notre monde abandonne la culture de l’être pour l’apologie culturaliste de l’être-soi.
Alain Finkielkraut, « Sauve qui peut le respect », L’imparfait du présent, Gallimard, pp. 252-253.
Pourquoi avons-nous tant besoin, régulièrement, de voir la mer, si ce n’est parce qu’elle est à la fois changeante incessamment et cependant toujours même, et qu’elle nous offre ainsi – seule à le faire – le repos sans l’ennui ?
Éric Chevillard, « mercredi 12 février 2014 », L’autofictif. 🔗
De Joinville à la Bastille, je bourlinguais au premier étage de ces vieux wagons de chemin de fer de Vincennes, si bien faits pour émouvoir les poètes, souvent férus d’ancienneté en raison, je pense, de cette pesanteur rétroactive qu’elle atteste et grâce à quoi le terminus de l’existence semble plus long à venir.