lexicographe : Cécile Carret
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personnellement

Je vous invite à regarder cet homme comme celui qui connaît personnellement toutes les lisières d’arbres, tous les buissons et tous les poteaux d’Europe.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 167.

Cécile Carret, 22 juin 2013
oh

Oh, dans ma jeunesse, pendant mes années de faculté à Vienne, [l’orgue de Barbarie] ronronnait exactement de la même manière, allumant dans ma jeune âme des rêveries de petites bonnes et d’abominables désirs de mourir.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 137.

Cécile Carret, 22 juin 2013
simplement

— Et vous, que faites-vous ?

— La même chose que le serveur de Pest qui prend huit commandes de café à la fois. L’un des clients commande le café clair et tiède, l’autre noir et brûlant, le troisième noisette et froid, et le serveur crie au garçon de comptoir : « huit cafés ! » tout simplement.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 103.

Cécile Carret, 22 juin 2013
souriez

Mon ami me fait asseoir devant l’appareil pour me photographier. Ce que je viens d’apprendre grâce lui ne me sert pas à grand-chose à présent. Moi aussi, je lorgne l’objectif, soudain j’ai le trac, car le moment où l’on fixe un instant de notre vie fugitive est tout de même solennel. Je m’efforce de minauder avec naturel. Il m’encourage à être spontané, à me montrer un peu plus jovial. Pour résumer, il s’agit de l’ancien cri de guerre : souriez ! Je dois faire bonne figure à la vie, au monde, à tout ce qui m’entoure. Ce n’est pas facile, mais je vais essayer.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 99.

Cécile Carret, 22 juin 2013
simples

La photographie au Japon est extraordinaire. Il pose devant moi un paquet de photos japonaises. Regardez comme elles sont modestes, simples et ingénieuses. Ici, vous avez un arbre tout seul.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 98.

Cécile Carret, 22 juin 2013
copeaux

Des copeaux recouvrent le sol, boucles ondulées, aériennes, ce sont les cheveux crépus de la planche, dirait-on, les rêves feuillus de l’arbre mort.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 71.

Cécile Carret, 12 juin 2013
équitable

— En combien de temps terminez-vous un cercueil ?

Sur un ton professionnel :

— Le modèle en sapin est cloué en quatre heures. Quelle rapidité pour un appartement éternel !

— Et un berceau, un berceau à bascule ?

— En un temps identique, à peu près. C’est équitable.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 68.

Cécile Carret, 12 juin 2013
cela

— Est-ce que ta mère est vivante ?

— Elle est morte, elle avait vingt-trois ans, elle a rempli de glace un petit pain, qu’elle a mangé d’un coup. C’est cela qui l’a tuée. J’ai une marâtre.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 65.

Cécile Carret, 12 juin 2013
bord

Sept heures du matin. L’eau vert clair de la piscine frémit comme si des sirènes s’y étaient baignées pendant la nuit. Comme un mystère flotte au-dessus de chaque bassin. Près du bord de la piscine, un Hongrois moustachu, c’est le maître nageur.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 52.

Cécile Carret, 12 juin 2013
espoir

Pour revenir aux parties de cache-cache, elles aiment à la folie ce jeu qui apprend à se séparer et à garder espoir alors même qu’on patiente dans la solitude et l’obscurité, comme disait Freud. Et comme il est ardu de conserver cet espoir lorsque c’est Manon qui cherche et qu’elle n’est pas douée pour trouver.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 39.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
playlist

À un moment, alors que Gérald fonce entre les branches d’arbres, une page s’affiche à l’intérieur de sa tête, voilà qu’il est le jouet d’une playlist mystérieuse. Sur cette page, il voit un tableau où sont classées les drogues dangereuses en trois colonnes : Interdit (cocaïne), Passable (alcool), Bravo (sport). Le commentaire n’est pourtant pas tendre : « La pratique outrance de sport obvie la croissance des jeunes, défonce tes circuits, écrase drastiquement l’espérance de longévité », dit ce texte dont l’original en allemand est traduit au fur et à mesure par Google, en fait, c’est du Bertolt Brecht vulgarisé. Gérald contourne un tas de fougères, écrase des champignons, s’élève sur les rocailles, pédalant presque à la verticale, mais il commence à être inquiet.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 37.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
patata

À la télé, un documentaire animalier : des cygnes glissent sur un lac scandinave. Lubin n’écoute pas mais, s’il prêtait attention, il se rendrait compte que, loin d’être un programme animalier, l’émission est un cours de philosophie sur les erreurs logiques. « Par exemple, explique une philosophe danoise dont la coiffure rappelle celle de Marge Simpson, observant tous ces cygnes blancs, le cerveau s’enclenchera et commencera à induire la règle générale : Tout cygne est blanc ; or soudain arrive un cygne noir, ça alors, on comprend que notre jugement est faillible, et patati et patata », c’est bizarre, la voix rappelle aussi Marge Simpson. Lubin va baisser le son et ne garde que les images où les animaux évoluent silencieusement comme des fantômes flottants ; après les cygnes, on voit des dindes qui, nourries par des agriculteurs, en déduisent que l’humanité est constituée de sympathiques dames de la cantine, à nouveau erreur […].

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 35.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
nonobstant

Il lui dit : « On dirait que tu es doué pour inventer le mieux dans le pas génial. »

Nonobstant la brutalité de l’attaque, Dimitri est bouleversé par une telle franchise. En même temps, il se rend compte qu’il est homosexuel. C’est beaucoup pour une seule journée, heureusement que l’ascenseur est lent.

On les apercevra au loin, dans les semaines qui suivent, batifolant dans la campagne, escaladant les arbres, marchant délicatement sur l’eau des rivières.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 24.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
pompe

Doigt blessé, bonnets multicolores, combinaison noire, clé argent : la pompe à détails était bel et bien réamorcée.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 20.

Cécile Carret, 13 avr. 2013
syndrome

Par exemple, il marche dans la rue et les magasins ne l’intéressent pas, il a l’impression d’être dans une gaine plastique bleue, les personnes sont comme des choses, les choses comme de l’eau qui coule. Cyrille, fort de ce qu’il a appris en Italie, a nommé cette affection le Syndrome de Raphaël parce qu’on a souvent rencontré un problème identique avec les peintures de Raphaël : les peintures étaient là avec toute leur beauté, mais les gens ne les voyaient pas. De nos jours, les choses sont simples, nous avons les cartels et les guides touristiques qui nous indiquent avec précision ce que nous devons trouver beau ; mais, à une époque où on était tellement moins bien organisé, les gardiens du Vatican racontaient que les gens, à la fin de la visite, réclamaient de voir les célèbres fresques de Raphaël, alors qu’ils étaient déjà passés devant sans y prêter la moindre attention.

Emmanuelle Pyreire, Foire internationale, Les Petits Matins, p. 19.

Cécile Carret, 13 avr. 2013

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