Le grand mensonge de la littérature consista à nous faire accroire que les femmes étaient romantiques et sentimentales. En sorte que nous autres, lecteurs crédules, nous eûmes bien souvent le cœur déchiré en les voyant céder si facilement aux avances de brutes libidineuses et sans manières dont les propositions directes les rassuraient davantage sur leur pouvoir de séduction que nos regards éperdus, nos lettres contournées et nos louvoiements pathétiques.
Éric Chevillard, « lundi 1er juillet 2013 », L’autofictif. 🔗
Sur la passerelle de bois qui nous y conduit, je parcours les pages de mon guide consacrées à la tour de Belém. Très vite cependant, j’interromps ma lecture. Je n’ai pas besoin d’en oublier davantage.
Éric Chevillard, « mercredi 23 avril 2014 », L’autofictif. 🔗
C’est une loi pénible : plus les femmes sont belles et plus je suis laid.
Éric Chevillard, « dimanche 25 juin 2017 », L’autofictif. 🔗
Il me fit un doigt d’honneur et moi, je regardai la lune.
Éric Chevillard, « mardi 7 juin 2016 », L’autofictif. 🔗
Mais le souverain détachement des choses de ce monde auquel je m’efforçai de parvenir par la méditation, l’ascèse, le yoga, le jeûne, l’abstinence, la lecture des stoïciens et l’étude des grands sages de l’Orient me vint finalement comme une grâce avec la dépression consécutive à ces macérations.
Éric Chevillard, « lundi 1er juin 2020 », L’autofictif. 🔗
Ah là là, il devient impossible de prendre le métro aux heures de pointe sans s’exposer aux mains courantes des jeunes femmes !
Éric Chevillard, « lundi 5 août 2019 », L’autofictif. 🔗
Il a mené son projet à bien. Grâce à quoi il a pu réaliser son rêve. Mais la vie continue.
Éric Chevillard, « jeudi 20 juillet 2023 », L’autofictif. 🔗
Plutôt le râteau que le fiasco – au moins a-t-il un manche.
Éric Chevillard, « lundi 21 août 2017 », L’autofictif. 🔗
Il a beaucoup travaillé et retravaillé son manuscrit, nerveusement raturé des passages, écrit entre les lignes, en diagonale dans les marges, tracé des flèches, des accolades, c’est maintenant un très beau manuscrit, vraiment. Mais bon, le texte est toujours aussi mauvais.
Éric Chevillard, « dimanche 19 janvier 2025 », L’autofictif. 🔗
Lorsque nous entrons à notre tour dans la chambrette, moi et mes lecteurs, moi d’abord, pardon, il le faut bien, je dois vous introduire, elle a déjà déballé tous ses pots et déroule d’une traite son boniment.
Sa marmelade est à la marmelade ce que l’or fin est au fer blanc.
[…]
Sa Sainteté le pape en fait dit-on remplir chaque matin un bassin de marbre cruciforme pour se baigner dedans et le Prince d’Orient a ordonné à son chirurgien personnel de lui ouvrir une deuxième bouche à côté de la première afin de pouvoir en engloutir davantage.
On a vu des prunes, des coings, et même des abricots rouler depuis leur branche dans son chaudron fumant pour en être. On a vu des abeilles fermer boutique après avoir goûté sa marmelade puis s’exiler dans des pays sans fleurs et butiner des cailloux par dépit et mortification.
Sa marmelade en applications quotidiennes guérit les lépreux si bien que c’est à qui leur léchera les aines et le ventre. Sa marmelade change la triste insomnie en aubaine et festin nocturne.
Ta femme est partie, sa marmelade la fera bien vite rappliquer, mais peut-être alors ne souhaiteras-tu plus autant la revoir chez toi. Sa marmelade est une purée de soleil candi, un regret pour les anges, un régal sur huit mètres pour l’intestin. Ah ! Dieu savait où il voulait en venir en créant le monde.
Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 32.
C’est lorsqu’il a rassemblé tous les matériaux nécessaires pour son prochain chantier d’écriture qu’il apprend que la zone est inconstructible.
Éric Chevillard, « dimanche 10 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗
J’ai gardé de cette expérience une défiance certainement aussi injuste que ma haine enfantine envers l’Oulipo, comme si les petites mécaniques savantes de ces écrivains ingénieurs et mathématiciens avaient la prétention de mettre la littérature en coupe réglée. Je ne peux admettre cette alliance contre-nature, elle me révulse. Trahison ! C’est remettre les clés de la ville à l’ennemi qui encercle nos murs. C’est appareiller de prothèses métalliques notre corps élastique, c’est canaliser le fleuve sauvage au moyen de logiques conçues pour déterminer la durée de remplissage des baignoires, c’est contraindre la pensée enfin et juguler sa féconde digression.
Il existe pourtant une ivresse des mathématiques, me dit-on, une extase, une beauté pure, absolue, affranchie des contingences. Un nombre d’or ! Certains tableaux noirs couverts de chiffres seraient des tableaux de maître.
C’est possible.
Mais ne me laissez jamais entrer dans ce musée avec une éponge humide !
Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 165.
Grâce à ma pratique assidue de la méditation, je n’ai jamais eu aucun mal à faire le vide autour de moi.
Éric Chevillard, « dimanche 27 avril 2025 », L’autofictif. 🔗
Ses escaliers crèvent les plafonds ; puis j’enrage de manquer d’imagination pour deviner où ils mènent et visiter cette étoile.
Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 104.
Sa misanthropie se lézarde. Il se considère comme un brave type.
Éric Chevillard, « mardi 14 juin 2016 », L’autofictif. 🔗