antérieure

Pour m’en tenir à ces deux seuls exemples de souvenirs esthétiques, je dirais que mon désir de revivre ces situations fictives auprès de personnages non moins fictifs n’est au fond pas si différent que celui de revivre des moments passés réels, parce que les aventures que j’ai pu imaginer grâce à un cinéaste et à un écrivain appartiennent bien à ma « vie antérieure » au même titre que les événements qui me sont arrivés. Schopenhauer remarque quelque part que, le temps passant, les épisodes de notre existence dont nous nous souvenons deviennent aussi vagues que les images que nous conservons de vieilles lectures – et de vieux films, aurait-il pu ajouter, s’il eut connu le cinéma. Sans doute, sauf que, parfois, ces représentations qui nous étaient offertes de loin et qui, pourtant, nous frappèrent, l’emportent en notre mémoire en précision sur des souvenirs de faits personnels directement vécus – laissant ainsi à penser que notre vie spirituelle, notre vie tout court, souffre de carences en imaginaire que les œuvres viennent en partie combler.

Frédéric Schiffter, « Les plaisirs et les jours révolus », La beauté, Autrement.

David Farreny, 13 mai 2025

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