invariablement

À l’université, Fritz Zorn souffre d’un état dépressif constant ; pourtant, il ne peut pas s’avouer qu’au fond de lui quelque chose est pourri. Il ne se reconnaît pas le droit d’être triste. N’a-t-il pas toujours été comblé par les dieux ? Fortune, intelligence, santé physique, beauté, rien ne lui a été refusé. Alors, il donne le change ; il amuse ses camarades en montant des spectacles de marionnettes. Souvent, il attend interminablement dans le hall de l’université quelqu’un avec qui prendre un café. Mais personne ne vient. Dans sa chambre, il reste parfois assis pendant des heures et, sans relâche, il écrit en tous sens les mots tristeza et soledad sur du papier quadrillé. Pourtant, jamais il ne se plaint. « J’allais toujours bien, écrit-il. J’allais même si continuellement bien que beaucoup de gens m’avouaient avec étonnement qu’ils se demandaient comment je pouvais aller si invariablement bien. »

Roland Jaccard, « Le cancer de l'âme », Le cimetière de la morale, P.U.F..

David Farreny, 12 mai 2025

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