cimetière

Je lui fais remarquer que les grands écrivains, les grands philosophes ont toujours été ignorés de leurs contemporains, que la gloire tardive est l’assurance d’un voyage plus aisé vers la postérité qu’il a toujours décrite comme une contrée effroyablement désolée. Il me répond qu’avant ce voyage vers la postérité où il est recommandé d’avoir un léger bagage, un seul livre avec quelques ajouts, il faut affronter les rentrées littéraires qui chaque année ressemblent à l’ouverture d’un nouveau cimetière. On croit écrire pour laisser une trace de soi. Tant de morts pour un seul qui survit à genoux.

À en croire Hérodote, Xerxès pleura à la vue de son innombrable armée, en songeant que de tous ces hommes il n’en restera pas un seul vivant dans cent ans. Qui ne pleurerait aussi à la vue de l’épais catalogue de la foire de Leipzig, en songeant que, de tous ces livres, il n’en restera pas un seul vivant même dans dix ans ?

Roland Jaccard, « Tu n'as aucune chance, mais saisis-la ! », Le cimetière de la morale, P.U.F..

David Farreny, 12 mai 2025

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