affirmations

Tout le charme de ce genre de doute réside dans un paradoxe bizarre, qui fait qu’un individu ne croyant à rien préconise néanmoins des attitudes, des convictions, des idées, se prononce sur toutes les questions, lutte contre ses adversaires, adhère à un mouvement politique.

Des affirmations sans système jaillissent soudain, pareilles à des explosions, à des incandescences isolées, d’un éclat aveuglant.

Emil Cioran, « Une étrange forme de scepticisme », Solitude et destin, Gallimard, pp. 201-202.

David Farreny, 24 juin 2005
arête

De nouveau la peine, le gouffre béant dont notre chemin suit l’arête.

Pierre Bergounioux, « vendredi 25 septembre 1981 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 74.

Élisabeth Mazeron, 13 sept. 2008
destructibles

La contradiction c’est que le monde est perpétuellement nécessaire comme obstacle à anéantir. Le violent est donc de mauvaise foi parce que, si loin qu’il pousse les destructions, il compte sur la richesse du monde pour les supporter et fournir perpétuellement de nouveaux destructibles.

Jean-Paul Sartre, Cahiers pour une morale, Gallimard, p. 183.

David Farreny, 3 déc. 2008
survivre

La mélancolie, c’est moins d’avoir à disparaître que d’avoir à se survivre, à récapituler ce qui ne peut plus être dans une énumération que le croassement du corbeau scande d’un Never more !

Danièle Sallenave, Castor de guerre, Gallimard, pp. 443-444.

Élisabeth Mazeron, 10 juin 2009
tête

Jolis moments et contrariétés contribuent inexorablement à nous faire une tête de veau.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 78.

David Farreny, 17 juin 2009
plâtre

Même impression cent fois ressentie à l’instant de la prise de parole : un vide, un dédoublement. Je m’entends ne rien dire de ce que je voulais dire. J’entends parfaitement, clairs, et même trompettants, les mots à côté de ceux qui étaient appelés. J’entends ce chaos de phrases encore liquides prendre aussitôt : le plâtre de mon opinion.

Gérard Pesson, « mercredi 29 avril 1998 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 295.

David Farreny, 27 mars 2010
disparaître

Cette manière de saluer en s’inclinant en avant aussi bas que possible était enseignée aux petits garçons dès l’âge de trois ans. Elle marquait de façon presque irréversible les différences hiérarchiques sur lesquelles était pour une large part construite, non seulement socialement, mais jusqu’au sein des mentalités, l’Allemagne de la fin du XIXe siècle. Ce salut, le plus jeune le devait au plus âgé et le subordonné à son « supérieur ». Les petites filles, elles, exécutaient leur Knicks dans les mêmes conditions, elles fléchissaient genoux et chevilles, pour disparaître verticalement et réapparaître ensuite. Cette marque de respect s’est conservée jusqu’en 1968. Ce n’est que depuis cette date qu’on ne voit plus les enfants et les jeunes gens disparaître sous leur propre bras.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 45.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
achever

Ainsi j’ai tenu. C’est pourquoi la fin de Primo Levi me peine et m’agace – oui, le mot peut surprendre, il est sincère. L’idée que cet homme a survécu à la déportation, qu’il a écrit au moins un grand livre, Si c’est un homme, sans oublier La Trêve et Le Système périodique, et qu’il se jette dans l’escalier cinquante ans après… C’est comme si les bourreaux avaient réussi, malgré l’amour et malgré les livres. Leur main a traversé le temps pour achever la destruction, qui ne cesse pas. La fin de Primo Levi m’effraie.

Rithy Panh, L’élimination, Grasset, p. 35.

Cécile Carret, 2 fév. 2012
caducité

La caractéristique décisive de ce monde est sa caducité. En ce sens, les siècles n’ont pas d’avantage sur l’instant présent. La continuité de cette caducité ne peut donc fournir aucune consolation, le fait qu’une vie nouvelle fleurit sur les ruines prouve moins la ténacité de la vie que celle de la mort. Si je veux lutter contre ce monde, il me faut donc l’attaquer dans sa caractéristique décisive, c’est-à-dire dans sa caducité.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 477.

David Farreny, 8 nov. 2012
saccades

En ne trouvant sa place nulle part, il tourmentait les autres ; les chassait de leur place ou tout au moins la leur rendait invivable. Dès que mon père entrait dans la grande salle, le malaise s’y installait. Se contentait-il d’être debout à la fenêtre que nous autres étions frappés d’une brusquerie qui nous faisait tout faire par saccades.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 65.

Cécile Carret, 4 août 2013
abolie

Sitôt apparue abolie, la jolie passante est une étoile filante, la preuve en est encore, mon pauvre ami, que ton vœu ne se réalisera pas.

Éric Chevillard, « mercredi 13 septembre 2023 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024
perspective

Aimer, c’est se placer toujours dans la perspective de la mort de l’autre.

Richard Millet, « 22 novembre 1998 », Journal (1995-1999), Léo Scheer.

David Farreny, 24 avr. 2024

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer