fin

Quand tout se confond sous la neige et semble mort, qu’on pressent le fin mot de l’affaire et celui de la fin — à savoir qu’on est sur les mauvaises terres que le jeu de forces aveugles, des fatalités statistiques, la pression démographique et la rente différentielle, peuplent et désaffectent alternativement, livrent aux bois, aux hommes et puis aux bois —, un filet de fumée bleue s’élève du toit duveteux, immaculé.

Pierre Bergounioux, Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 98.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
stalle

Elles conservèrent de Léon une image compliquée et noirâtre dans une stalle peu fréquentée de leur mémoire, comme une petite idole exotique au temple à demi écroulé.

Pierre Jourde, Pays perdu, L’Esprit des Péninsules, p. 75.

David Farreny, 16 mai 2004
achever

Nous avons beau veiller, tout est impossible à achever, minés que nous sommes par nos exigences de rupture.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 206.

David Farreny, 5 janv. 2006
lourd

Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,

Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée,

Ô train de luxe ! et l’angoissante musique

Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,

Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,

Dorment les millionnaires.

Valery Larbaud, « Poésies de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 44.

David Farreny, 1er avr. 2007
romånce

Il disposait ses narrats en tas de quarante-neuf unités. À ce monceau il donnait un numéro ou un titre.

Cette nuit-là, ce 16 octobre-là, je lui suggérai de baptiser son prochain tas Des anges mineurs. C’était un titre que j’avais autrefois utilisé pour un romånce, dans d’autres circonstances et dans un autre monde, mais il me semblait que cela s’accordait bien avec cette somme que Scheidmann était en train d’achever, ce dernier tas.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 200.

Cécile Carret, 3 oct. 2010
attentionné

Qu’est-ce que je fais là ? Si ces nobles artistes se sont donné beaucoup de mal pour que ces chapelles et ces églises soient belles, ce n’était pas afin qu’elles soient vues à la va-vite, comme ça, par des touristes pressés, qui viennent d’une autre basilique et vont courir vers un autre transept, un autre presbiterio, une autre sacrestia ; c’est pour que des gens qui venaient là tous les jours, ou toutes les semaines, y éprouvent un sentiment de beauté, de bien-être, de fierté, de vanité peut-être, de profond accord entre leur présence en de tels lieux et la dignité de leur foi, de l’art, de leur propre personne. Oui, ce morceau de frise romaine est magnifique, sur ces grosses colonnes de granit ; oui, ce monument funèbre de comment s’appelle-t-il, Michelangelo Senese, ne manque pas de majesté (glacée) ; oui, surtout, ces mosaïques de la calotte de l’abside sont d’une fraîcheur et d’une somptuosité rares. Oui, oui, oui. Mais ce sont des détails. Même cette immense composition de Cavallini est un détail. Or ils ne me disent pas grand-chose, si je suis sincère. Tout cela finit par s’annuler réciproquement. J’ai besoin d’air, de lumière, d’un peu de chaleur, d’amour probablement. Qu’est-ce que j’aime vraiment, à Rome, au fond, mis à part quelques tableaux ? Des lieux ouverts, où les ruines, les arbres et l’espace se mélangent : les jardins Farnèse, au sommet du Palatin ; le sommet du Capitole ; la petite maison précairement installée au sommet du marché de Trajan ; les jardins de la villa Doria-Pamphili ; des places, le Campidoglio, le Quirinal, Navone ; le torse du Belvédère, le Galate mourant, la Louve ; la villa Médicis, sa loggia, son bosco, ses allées de buis, ma maison, ma chambre ; ce que j’aime le plus, par un hasard attentionné, c’est ma chambre.

Renaud Camus, « jeudi 19 février 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., pp. 65-66.

David Farreny, 9 oct. 2010
vérifier

Tout en marchant, je n’ai pas pu m’empêcher, en passant devant une vitrine, d’y vérifier à quelque distance mon reflet. J’aurais préféré me trouver plus élancé, mais ça n’a pas été le cas.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 133.

Cécile Carret, 30 sept. 2011
muet

Je feins le plus vif intérêt à l’interminable récit de ce raseur. J’écarquille les yeux, j’arrondis les lèvres, j’opine du chef, je lève les mains au ciel, dans l’espoir que mes expressions surjouées dignes du cinéma muet finiront en effet par le faire taire.

Éric Chevillard, « samedi 9 février 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 19 fév. 2013

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