autrement

Musique, merveille qui sûrement précéda le feu. On en avait autrement besoin.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 365.

David Farreny, 13 avr. 2002
marais

On peut étouffer le désir, plus ou moins ; mais la vie n’est plus alors qu’un champ morne, une lassitude plate, un marais que la fatigue investit tout entier.

Renaud Camus, « lundi 27 avril 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., p. 155.

Élisabeth Mazeron, 16 avr. 2005
longue

La vie est plus longue que large.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 68.

David Farreny, 19 nov. 2006
ramifié

Je suis passé devant notre maison, j’ai jeté un coup d’œil sur la liste des noms des locataires actuels. Ils sont toujours là, les M., les W., les R. Treize ans ont passé. Ceux qui étaient jeunes, qui jouaient avec moi dans la rue, doivent être mariés, avoir des enfants, et je me vois débarquant dans leur salle à manger, ramifié par le souvenir, et eux cassant toutes mes branches une à une.

Georges Perros, Papiers collés (1), Gallimard, p. 59.

David Farreny, 12 mars 2008
sympathie

Que signifie ici « nettement » ? Que veut dire « incertitude » et « équivoque » ? Nous ne cacherons pas que nous nous moquons franchement de ces distinctions. N’est-ce pas bon et grand que la langue ne possède qu’un mot pour tout ce que l’on peut comprendre sous ce mot, depuis le sentiment le plus pieux jusqu’au désir de la chair ? Cette équivoque est donc parfaitement « univoque », car l’amour le plus pieux ne peut être immatériel, ni ne peut manquer de piété. Sous son aspect le plus charnel, il reste toujours lui-même, qu’il soit joie de vivre ou passion suprême, il est la sympathie pour l’organique, l’étreinte touchante et voluptueuse de ce qui est voué à la décomposition. Il y a de la charité jusque dans la passion la plus admirable ou la plus effrayante. Un sens vacillant ? Eh bien, qu’on laisse donc vaciller le sens du mot “amour”. Ce vacillement, c’est la vie et l’humanité, et ce serait faire preuve d’un manque assez désespérant de malice que de s’en inquiéter.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, pp. 685-686.

David Farreny, 12 mars 2008
appétit

Malgré sa juste appellation, l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne dans le Val-de-Marne planté sur la colline de Bry-sur-Marne domine le département telle une forteresse. Son élévation rouge, de la brique exclusive dont il est bâti, sonne un terrible coup de klaxon dans le paysage, avant l’accident, tout le monde l’a vu, et tout le monde le sait dans le Val-de-Marne. Jour et nuit, immémorial, pour tous ceux qui en dépendent directement et à n’importe quelle heure dans le département, il trône, masse close, malgré les centaines de fenêtres qui percent sa pharaonique façade. Et sa porte. Une porte centrale comme il convient à l’expression de la solennité dont ce bâtiment, à l’égal de celui du conseil général du Val-de-Marne, supporte aussi la charge, à grand double battant vitré par où tous ceux qui sont liés à l’hôpital temporairement ou définitivement rentrent ou sortent. Malades dont on glisse le corps par l’arrière des ambulances sur des tiroirs tenus aux deux extrémités par des aides-soignants ; on se penche et on s’aperçoit vite que le couvercle ne tardera guère ; mais aussi infirmières, visiteurs des malades, médecins et administrateurs, cuisiniers. Et les psychiatres.

Sans doute serait-ce du faîte des toitures de la mairie du Perreux-sur-Marne, à quelques kilomètres de l’hôpital Saint-Camille, que l’on découvrirait la meilleure perspective, sur la masse énorme de cet édifice, son prestige et son emprise, sa solitude et son appétit dont on voit alors le pouvoir qu’il exerce sur la région. Le chantier permanent qui anime sa façade arrière — on aménage et réaménage, on construit de nouvelles ailes, on rehausse les étages — ne contribue pas peu dans le département à la renommée qui s’étend bien au-delà des limites administratives, d’un monument où, tandis que l’on opère jour et nuit dans chaque salle du bloc opératoire et que l’on soigne dans chaque chambre, et toilette sur toutes les tables de la morgue, on cimente aussi, on pose des châssis de fenêtre, on soude, on construit, on s’agrandit toujours.

Bernard Lamarche-Vadel, Sa vie, son œuvre, Gallimard, pp. 51-52.

David Farreny, 24 sept. 2011
bénévolement

Alors, Raban eut l’impression qu’il surmonterait encore cette longue et pénible épreuve des deux prochaines semaines. Car ce ne sont que deux semaines, c’est-à-dire un temps limité, et si les contrariétés ne cessent de grandir, le temps n’en diminue pas moins pendant lequel il faut les supporter. C’est pour cela, sans aucun doute, que le courage augmente. « Tous ceux qui veulent me faire souffrir et qui ont maintenant occupé entièrement l’espace qui m’entoure, tous ceux-là seront peu à peu refoulés par ces jours qui expirent bénévolement, sans que j’aie le moins du monde à leur venir en aide. Et je puis être faible et silencieux, comme il m’arrivera naturellement de l’être, je puis les laisser faire de moi tout ce qu’ils veulent, les choses s’arrangeront quand même, grâce à ces seuls jours qui passent. »

Franz Kafka, « Préparatifs de noce à la campagne », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 83.

David Farreny, 19 nov. 2011
vanné

Voyage conférence.

En habit bleu, vanné, les mains noires d’aluminium dans les petites chiottes des restaurants de province, titubant de fatigue.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 60.

Cécile Carret, 18 juin 2012
nom

Fermes si bien enfouies dans la neige qu’on les dirait inhabitées, n’était un filet de fumée montant d’une cheminée ou un chien juché sur un tas de bois et aboyant en silence.

Äksi kihelkond, à 23 kilomètres de Tartu, au sein d’un étincellement blanc. Ce nom résume le paysage : inhabitable, car imprononçable, du moins non mémorisable pour moi (ou alors au prix de tels efforts que j’aurais l’impression de cheminer dans la neige).

C’est pourquoi je le note.

Richard Millet, Eesti. Notes sur l’Estonie, Gallimard, p. 53.

David Farreny, 4 sept. 2012
étendue

Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire, et être tranquille, s’appelât travailler.

Jean de La Bruyère, « Les caractères ou les mœurs de ce siècle », Œuvres complètes (1), Henri Plon, p. 242.

Guillaume Colnot, 28 fév. 2013
rester

Les écrivains eux-mêmes se méprennent souvent sur leur œuvre. Ainsi celui-ci croyait rester pour ses romans et, en fait, je ne sais même pas de qui je parle.

Éric Chevillard, « mardi 27 août 2013 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 27 août 2013

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