rien

J’étais bien content. Ce furent des après-midi merveilleuses. Rien n’arrivait.

Renaud Camus, Onze sites mineurs pour des promenades d’arrière-saison en Lomagne, P.O.L., p. 190.

David Farreny, 23 mars 2002
bourgeois

Le quotidien fait le bourgeois. Il se fait partout ; toutefois le quotidien de l’un peut désorienter jusqu’à la mort l’homme de l’autre quotidien, c’est-à-dire l’étranger, ce quotidien fût-il le plus banal, le plus gris, le plus monotone pour l’indigène.

Dans le quotidien de ce pays, il y a l’issang. Vous passez dans l’herbe humide. Ça vous démange bientôt. Ils sont déjà vingt à vos pieds, visibles difficilement, sauf à la loupe, petits points rouges mais plus roses que le sang.

Trois semaines après, vous n’êtes plus qu’une plaie jusqu’au genou, avec une vingtaine d’entonnoirs d’un centimètre et demi et purulents.

Vous vous désespérez, vous jurez, vous vous infectez, vous réclamez du tigre, du puma, mais on ne vous donne que du quotidien.

Henri Michaux, « Ecuador », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 228.

David Farreny, 3 mars 2008
déjà

En un sens, on conçoit fort bien que notre passé ne nous apparaisse point comme limité par un trait net et sans bavures — ce qui se produirait si la conscience pouvait jaillir dans le monde avant d’avoir un passé — mais qu’il se perde, au contraire, dans un obscurcissement progressif, jusqu’en des ténèbres qui pourtant sont encore nous-mêmes ; on conçoit le sens ontologique de cette solidarité choquante avec le fœtus, solidarité que nous ne pouvons ni nier ni comprendre. Car enfin ce fœtus c’était moi, il représente la limite de fait de ma mémoire mais non la limite de droit de mon passé. Il y a un problème métaphysique de la naissance, dans la mesure où je peux m’inquiéter de savoir comment c’est d’un tel embryon que je suis né ; et ce problème est peut-être insoluble. Mais il n’y a pas de problème ontologique : nous n’avons pas à nous demander pourquoi il peut y avoir une naissance des consciences, car la conscience ne peut s’apparaître à soi-même que comme néantisation d’en-soi, c’est-à-dire comme étant déjà née.

Jean-Paul Sartre, « Ontologie de la temporalité », L’être et le néant, Gallimard, p. 178.

David Farreny, 20 oct. 2008
être

— Mais, Jane, il faudra supporter mes infirmités, voir sans cesse ce qui me manque.

— Tout cela n’est rien pour moi, monsieur. Je vous aime, et plus encore maintenant que je puis vous être utile qu’aux jours de votre orgueil, où vous ne vouliez que donner et protéger.

Charlotte Brontë, Jane Eyre ou les mémoires d’une institutrice, FeedBooks.

Cécile Carret, 11 nov. 2011
lecteur

Les oiseaux braillent si fort, et parmi eux des chieurs, des lâcheurs de fientes, même en plein vol, qu’il les entend à l’intérieur de l’habitacle pourtant toutes glaces levées.

Il baisse la sienne.

Il les entend nettement plus fort.

Vous êtes sûr ? m’écrit un lecteur.

Échange de courrier.

Bon, allez, faut avancer, se dit-il.

Christian Gailly, Les fleurs, Minuit, p. 25.

Cécile Carret, 2 mars 2012
tordaient

Assise figée dans la salle de séjour pendant que l’enfant et son gros ami sautaient d’une chaise sur des coussins en chantant très fort : « La merde saute sur la pisse et la pisse saute sur la merde et la merde saute sur la bave… » Ils en criaient et s’en tordaient de rire ; se chuchotaient à l’oreille, regardaient la femme, se la montraient, riaient de nouveau. Ils n’arrêtaient pas. La femme ne réagissait pas.

Peter Handke, La femme gauchère, Gallimard, p. 64.

Cécile Carret, 26 juin 2013
culs

toi t’aimes bien les bons petits culs, t’aimes bien ça voir les petits culs tout bons, t’aimes bien voir un bon petit cul passer, un bon petit cul papoter ou passer, hein ouais t’aimes bien voir ça, le bon petit cul qui demande pas son reste et passe, qui passe et qui rapasse, mais le bon petit cul ne demande pas mieux que de rester, le cul petit tout bon qui demande pas son reste mais reste tout de même, t’aimes bien ça hein, t’aimes bien que le petit cul tout bon reste sur place, pour ça t’aimes bien que ça t’écoute un bon petit tout cul, que ça se tende bien de par le cul le petit cul tout bon, que cul tendu te soit tout ouïe, qu’il soit tout oui le tout bon petit cul tout ouïe, qu’un petit tout bon cul comme ça c’est bon pour n’être qu’un petit cul après tout, pourquoi ce n’est pas qu’un tout bon petit cul qui passe et qui rebondit quand on l’appelle, quand on le retient pour qu’il fasse un gros oui le tout petit bon cul tout ouïe à toi, car c’est à toi qu’il est le petit bon tout cul n’est-ce pas, et ça t’aimes bien, t’aimes bien avoir ton tout bon petit cul et qu’il te dise que oui, que ça dise oui à tout, à tout bout de champ le tout bon cul petit qui passe et qui rebondit, c’est ça que t’aimes au fond, au fond du fond t’aimes bien les tout bons petits culs qui passent, qui passent et qui rapassent, les bons petits tout culs qui ne restent pas en place

Charles Pennequin, « Les petits culs », Pamphlet contre la mort, P.O.L., pp. 92-93.

David Farreny, 11 fév. 2014

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