hydraulique

Elle roucoulait, gargarisante, la salive chuintée, et s’enfilait enfin, doucement, doucement, se poignardait au ventre, droite, par degrés, sans un mot, sans un cri, hagarde, défaite, vous coiffait de sa vulve excentrique, chapeau molletonné, descendait tout au long, depuis le vit, s’alourdissait, sans heurt, se pénétrait, ascenseur hydraulique surchauffé d’un immeuble insonore.

Louis Calaferte, Septentrion, Denoël, p. 65.

David Farreny, 21 mars 2002
grotesque

La philosophie est indispensable à l’homme. Un adulte sans philosophie est grotesque. Il faut savoir trouver son chemin vers elle. Courage et perspicacité.

Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 165.

David Farreny, 13 avr. 2002
rêva

Vers la fin de sa vie, Lovecraft rêva qu’il grimpait, en compagnie d’un groupe d’hommes en costume médiéval, sur les toits d’une vieille ville pour poursuivre une « Chose marquée par le sceau du mal originel » ; qu’il s’approchait d’un tramway pour découvrir que celui-ci transportait des êtres au visage conique se terminant par un tentacule rouge ; qu’il rencontrait un clergyman maléfique dans un grenier rempli de livres interdits ; qu’une troupe de sinistres magiciens noirs en tenue de soirée lui rendait visite ; qu’il retournait à son ancienne maison du 598, Angell Street pour la trouver en ruine et entendre des pas traînants dans son ancienne chambre ; qu’il était attaqué par des insectes qui lui transperçaient le cerveau et lui procuraient ainsi des visions d’autres mondes ; qu’il se retrouvait dans la peau d’un chirurgien de 1864, le docteur Eben Spencer, lequel découvrait qu’un autre médecin se livrait à des expériences dignes de celles du fameux Frankenstein ; qu’il assistait, du haut d’un château, à une bataille entre deux armées de guerriers fantômes ; et, enfin, qu’il se voyait offrir un million de livres sterling par le conservateur d’un musée pour un bas-relief d’argile qu’il venait de faire lui-même.

Lyon Sprague De Camp, H. P. Lovecraft. Le roman de sa vie, Durante, p. 627.

Guillaume Colnot, 17 juil. 2002
ancienne

Tout cela s’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.

Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois, p. 23.

David Farreny, 9 fév. 2003
nécrobie

Latreille, le prince de l’entomologie, à qui sa passion sauva la vie. Prêtre réfractaire, il allait être jeté, avec d’autres, dans la cale d’un navire qui devait sombrer au large de la Gironde. Il occupait ses derniers instants à inventorier la faune du cachot. Un des geôliers, qui partageait cette curiosité, le met à part des condamnés. Un insecte — la nécrobie, « la vie dans la mort » — témoigne de cet événement.

Pierre Bergounioux, L’héritage. Pierre et Gabriel Bergounioux, rencontres, les Flohic, p. 33.

David Farreny, 6 août 2003
pédagogie

La pédagogie a tellement infecté l’humanité que les nihilistes eux-mêmes ne peuvent pas vaincre leurs instincts didactiques. Jusqu’aux suicidaires qui veulent nous apprendre quelque chose, n’est-ce pas ?

Emil Cioran, « Personne n’existe », Solitude et destin, Gallimard, p. 408.

David Farreny, 24 juin 2005
facile

À mesure que l’art s’enfonce dans l’impasse, les artistes se multiplient. Cette anomalie cesse d’en être une, si l’on songe que l’art, en voie d’épuisement, est devenu à la fois impossible et facile.

Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 64.

David Farreny, 13 oct. 2006
malentendus

Plus je vais, plus le monde entre dans ma vie jusqu’à la faire éclater. Pour la raconter, il me faudrait douze portées ; et une pédale pour tenir les sentiments — mélancolie, joie, dégoût — qui en ont coloré des périodes entières, à travers les intermittences du cœur. Dans chaque moment se reflètent mon passé, mon corps, mes relations à autrui, mes entreprises, la société, toute la terre ; liées entre elles, et indépendantes, ces réalités parfois se renforcent et s’harmonisent, parfois interfèrent, se contrarient ou se neutralisent. Si la totalité ne demeure pas toujours présente, je ne dis rien d’exact. Même si je surmonte cette difficulté, j’achoppe à d’autres : une vie, c’est un drôle d’objet, d’instant en instant translucide et tout entier opaque, que je fabrique moi-même et qui m’est imposé, dont le monde me fournit la substance et qu’il me vole, pulvérisé par les événements, dispersé, brisé, hachuré et qui pourtant garde son unité ; ça pèse lourd et c’est inconsistant ; cette contradiction favorise les malentendus.

Simone de Beauvoir, La force des choses (I), Gallimard, pp. 374-375.

Élisabeth Mazeron, 27 déc. 2009
mousse

Dans les montagnes du Centre, ces gros hôtels aux façades austères, leurs portes discrètement haussées d’insignes de clubs, derrière lesquelles on trouve une poignée de voyageurs de commerce groupés là dans la fumée des gauloises comme des cloportes sous une même mousse.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 65.

Cécile Carret, 18 juin 2012
architectonique

Aggravant le tourment et ne servant à rien, la pensée érigée en juge se tourmentait pour s’élever à travers les souffrances. Comme si, dans la maison qui va être définitivement la proie des flammes, le problème architectonique fondamental était posé pour la première fois.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, pp. 422-423.

David Farreny, 8 nov. 2012
autrement

À propos de rien, une fois, elle avait déclaré à Julie qu’elle ne se lavait jamais les pieds pour la simple raison que, en prenant sa douche, ils étaient autrement nettoyés par toute l’eau savonneuse qui coulait sur eux.

Alain Sevestre, Poupée, Gallimard, p. 286.

Cécile Carret, 19 mars 2014

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