essieu

Rature sur les traits du visage

sur l’empreinte de l’objet

sur la trace du fait

sur les innombrables ennemis jamais assez vomis

table rase non une fois mais mille fois mille fois à refaire

sur l’origine

sur les développements

sur le proliférant

sur l’adoucissement, poisson pilote du prochain reniement

sur soi

sur toi

sur l’essieu

rature

rature

rature

Henri Michaux, « Ratureurs », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 423.

David Farreny, 22 juin 2002
familière

Cherchant à trouver le sommeil après l’émotion et l’excitation de la soirée, Dora, à la lumière de la petite lampe de sa table de nuit, regardait évoluer l’araignée. Cette araignée ne lui faisait pas peur. Et elle lui était devenue familière, presque une amie, depuis qu’un matin, en ouvrant les yeux, elle l’avait vue descendre du plafond sur son fil et venir boire de l’eau dans son verre.

Jacques Roubaud, Parc sauvage, Seuil, p. 96.

Cécile Carret, 22 janv. 2008
constructions

Dans le visage un œil qui n’existe plus, comme bu par un buvard. Il en reste le pli. Œil qui a renoncé à être, ne trouvant au-dehors rien à sa convenance.

L’autre, fermé par une large et pesante paupière semble bien déterminé à ne pas se relever.

Un être a baissé ses volets.

Douloureuse, la bouche amère exprime assez que ce n’est pas pour rêver à des fleurs ou à des charmes que l’œil a été refermé si décisivement, ni pour contempler d’intéressantes constructions du subconscient, mais pour seulement rester cantonné en sa misère, à l’abri dans sa misère, où il y a annulation de tout, mélancolie exceptée.

Henri Michaux, « Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1173.

David Farreny, 3 mars 2008
compliquée

Le gouvernement romain devenait tous les jours plus odieux à ses sujets accablés, et moins redoutable à ses ennemis. Les taxes se multipliaient avec les malheurs publics ; l’économie était plus négligée à mesure qu’elle devenait plus nécessaire ; l’injustice des riches faisait retomber sur le peuple tout le poids d’un fardeau inégalement partagé, et détournait à leur profit tout l’avantage des décharges qui auraient pu quelquefois soulager sa misère. L’inquisition sévère qui confisquait leurs biens et exposait souvent leurs personnes aux tortures décidait les sujets de Valentinien à préférer la tyrannie moins compliquée des Barbares, à se réfugier dans les bois et dans les montagnes, ou à embrasser l’état avilissant de la domesticité mercenaire. Ils rejetaient avec horreur le nom de citoyen romain, autrefois l’objet de l’ambition générale.

Edward Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain d’Occident, Seuil, p. 212.

David Farreny, 13 sept. 2008
âme

J’étais dans l’incapacité totale de réfléchir avec mesure et de m’accrocher à une explication. Je découvrais, d’un coup, que le monde m’avait lâché et je me tenais sur son bord comme au-dessus d’un abîme qui me fascinait et m’aspirait et me hantait de terreur. Ce mur vidé de sa matière et réduit à sa fantomatique blancheur d’avant toute forme s’ouvrait en vertige dans l’intime profondeur de mon corps. J’en étais malade. Je me trouvais devant lui comme devant une fenêtre dont l’appui aurait disparu, avec l’appréhension d’une chute inévitable et le sentiment de la vanité qu’il y avait à vouloir en reculer l’échéance. Et cependant je ne tombais pas. Je me tenais encore debout, tout contre, les jambes molles, la gorge sèche, l’estomac chaviré, tout le corps inondé d’une sueur glacée. Peut-être un cri cherchait-il son issue dans cette débâcle de la chair. Mais il ne vint pas. Il ne vint jamais. Il demeura et demeure encore en moi comme un pur possible soumis à la phrase qui l’enveloppe, le retient, le porte à ses limites sans jamais le laisser fuser. Et l’âme, si elle est, n’est rien d’autre.

Claude Louis-Combet, Blanc, Fata Morgana, pp. 61-62.

Élisabeth Mazeron, 15 mars 2010
complet

Je ne me repose bien que si les autres travaillent ; autrement ce n’est pas complet.

Paul Morand, « 1er juin 1974 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 265.

David Farreny, 26 août 2010
réfringent

Enseigne-moi comment donner de la force à mes décisions salutaires, enseigne-moi à vouloir sérieusement ce que je veux, enseigne-moi la persévérance lorsque les tempêtes du destin ou que le revers d’une main balaient la construction de trois années. Enseigne-moi à parler au cœur des hommes sans que mon propos ne change de direction en traversant le centre réfringent de leur système d’opinions.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 202.

David Farreny, 11 déc. 2014
loi

C’est une loi pénible : plus les femmes sont belles et plus je suis laid.

Éric Chevillard, « dimanche 25 juin 2017 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024

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