être

L’être est un non-sens, mais un non-sens qui a des dents.

Antonin Artaud.

Bilitis Farreny, 21 mars 2002
littérature

Si la littérature approche et rencontre parfois la vérité c’est qu’elle est un des chemins détournés du retour à la vie.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 33.

David Farreny, 31 déc. 2005
réserve

Il n’y a pas grand-chose à faire. Je propose mes services à qui en veut. Justement, le service d’ordre manque de bras. Je me présente aux barrières, où l’on contrôle les vignettes. Il y a là quatre ou cinq gars, très peuple, et comme chaque fois qu’il me faut agir à la base, c’est en passant outre la réserve instinctive que m’inspirent la dégaine, le ton, les plaisanteries des camarades. C’est au nom d’une certaine morale, tout abstraite, que je les ai rejoints, à vingt ans, et il m’en coûte toujours autant de composer avec la réalité humaine qui en est porteuse. […] Deux, au moins, des gars sont de ces gens au commerce desquels je préférerais, comme Stendhal l’avoue dans son journal, la solitude du cachot, épais, au physique et au moral, hâbleurs, amis de la grasse blague et des Kronenbourg. Les autres, des métallos, ont cette allure entière, ouvrière, dans l’action et l’expression, l’affirmation de soi, à quoi s’oppose ma retenue de petit-bourgeois. Le public est à l’avenant, très populaire. Frappé du nombre et de la force des marques et stigmates corporels, mutilations et handicaps, déformations, tatouages, colifichets, maquillage. Les femmes arborent de prodigieux embonpoints, des fards agressifs, les hommes de fortes moustaches, et parlent haut. Je me surprends à adopter, malgré moi, une posture d’observation et non de participation. Tout, hormis de vastes et vagues idéaux de justice sociale, tout me sépare d’eux.

Pierre Bergounioux, « samedi 11 juin 1983 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, pp. 213-214.

David Farreny, 14 mars 2006
musique

La musique m’ouvrit une autre voie, ou me révéla une voie qu’à vrai dire je ne cessais d’emprunter sans m’en apercevoir. Au lieu de regarder jalousement mon douloureux ennui, lui préférant toute forme d’activité, refusant de loger en lui quelque chose qui risquerait de le dénaturer (refusant même de comprendre que l’ennui était un logement), il était possible d’ouvrir l’ennui à cette forme en expansion indéfinie qu’était la musique : si on acceptait de l’écouter, de la laisser développer votre attention, elle passait un pacte avec ce qu’était en définitive l’ennui, à savoir une vie intérieure informe et agitée, une vitalité confuse, empêtrée, en attente de formes, le chaos originel revenu se poser sur le monde.

Quel rapport les Brandebourgeois de Bach ou Honeysuckle Rose avaient-ils avec ce chaos qu’apparemment ils n’avaient pas oublié ni effacé ?

Sans doute que, comme toute composition musicale, ils s’étaient donné pour tâche de mettre en forme ce que l’ennui, malgré la douleur qu’il inflige, sa pesanteur propre, libère et fait venir au jour : la matière mobile et non verbale de la pensée, disons de la vie mentale, qui n’est visible de façon aussi flagrante que quand elle est ainsi inoccupée et tournoie de souci en pensée vague, adonnée à sa propre mobilité.

Pierre Pachet, Sans amour, Denoël, p. 45.

Cécile Carret, 13 mars 2011
simples

La photographie au Japon est extraordinaire. Il pose devant moi un paquet de photos japonaises. Regardez comme elles sont modestes, simples et ingénieuses. Ici, vous avez un arbre tout seul.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 98.

Cécile Carret, 22 juin 2013
malveillance

Pour écrire, de nombreuses qualités ne sont pas forcément nécessaires. Il faut seulement beaucoup d’amour ou beaucoup de malveillance. J’ai peur que dans mon cas ce soit la seconde solution. Mais qu’importe, si la malveillance s’applique à consumer quelque chose qui, légitimement, doit être objet de haine…

Philippe Muray, « 26 mars 1984 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 439.

David Farreny, 23 août 2015

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