simples

Je me souviens qu’à l’âge de dix-sept ans, alors que j’exprimais des opinions contradictoires et perturbées sur le monde, une femme d’une cinquantaine d’années rencontrée dans un bar Corail m’avait dit : « Vous verrez, en vieillissant, les choses deviennent très simples. » Comme elle avait raison !

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Maurice Nadeau, pp. 109-110.

David Farreny, 24 mars 2002
conservatoire

Il faut donc dire que la même source de perturbations, de « bruit » qui, dans un système non vivant, c’est-à-dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure, est à l’origine de l’évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu’à la musique : la structure réplicative de l’ADN.

Jacques Monod, Le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Seuil, p. 152.

Guillaume Colnot, 14 avr. 2002
quelqu’un

Colline et arbres fruitiers, et puis, là-bas vers le haut, sous les pommiers, trois épaves de voiture dont une brûlée, que quelqu’un garde.

François Bon, Paysage fer, Verdier, p. 35.

David Farreny, 24 janv. 2003
perspective

Un mot encore. Aux amateurs de perspective unique, la tentation pourrait venir de juger dorénavant l’ensemble de mes écrits, comme l’œuvre d’un drogué. Je regrette. Je suis plutôt du type buveur d’eau. Jamais d’alcool. Pas d’excitants, et depuis des années pas de café, pas de tabac, pas de thé. De loin en loin du vin, et peu. Depuis toujours, et de tout ce qui se prend, peu. Prendre et s’abstenir. Surtout s’abstenir. La fatigue est ma drogue, si l’on veut savoir.

Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 767.

David Farreny, 24 août 2003
dilemme

Dilemme : le fusil ou le travail.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 24.

David Farreny, 19 nov. 2006
veille

L’atmosphère ressemblait à une haleine, pour un peu on aurait cru voir le crépuscule, dans la même lumière inchangée depuis toujours ; ce fut la tombée de la nuit sur le rivage sans terre et les reflets sans provenance. La nuit bord à bord avec le niveau de la mer. Car tout cela finit par s’imposer sans être jamais prouvé ; le phénomène se déroule et personne ne consacre des heures de veille à l’étudier, ce qui serait bien vain — mais l’espérance d’un résultat précis, d’une preuve rongée et dissoute déjà…

François Rosset, L’archipel, Michalon, pp. 46-47.

David Farreny, 12 mars 2008
créance

C’est justement lorsque s’efface la différence entre être et être à disposition que tout dans la vie des hommes — la santé, le bonheur, la fécondation, le savoir, le diplôme — se présente comme un droit de l’homme. Et c’est quand le dispositif de l’universelle ustensilité recouvre le monde que la responsabilité pour celui-ci cède le pas chez les citoyens eux-mêmes, chez les citoyens d’abord, à l’expression courroucée d’une inépuisable créance.

Alain Finkielkraut, « Créanciers du monde », L’imparfait du présent, Gallimard, p. 278.

Élisabeth Mazeron, 9 janv. 2010
fêtes

Je n’oppose plus, comme avant, les fêtes auxquelles j’ai pris part à celles qui m’ont échappé : là comme ici, la vie fait résonner le même silence.

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 110.

David Farreny, 29 mars 2013
long

Pourquoi l’océan me fait-il penser à ces plaines de Bessarabie,

on y marchait longtemps et c’était long la vie.

Steppe ! ce fond de mer agaçait les narines

l’œil de la terre s’ouvrait sous les paupières marines

on avançait sans avancer et on faisait le point.

Notre marche avançait la distance d’autant.

Benjamin Fondane, « Ulysse », Le mal des fantômes, Verdier, p. 26.

David Farreny, 20 juin 2013
pourvoirons

Il fut un temps, camarades,

où nos pieds enfonçaient dans la terre comme le fer à charrue,

la sève nous prenait pour un arbre, y montait

les oiseaux nous prenaient pour des toits, s’y nichaient,

et la femme venait à nous, nous prendre la semence

pour en faire je ne sais quoi —

Étions-nous donc des dieux ?

Il fut un temps, camarades,

où le sanglot des hommes monta jusqu’à nos reins

le fruit était-il donc véreux ?

le mal était-il incurable ?

Ah, il fallait jeter des ponts sur les rivières

arracher le secret aux herbes, aux entrailles

des choses —

inventer, oublier des quantités de choses !

Si ce monde est mauvais que de mondes

à naître ! Nous y pourvoirons.

Il fut un temps, camarades,

où nous nous sommes usés au monde,

où nos regards en y entrant se sont tordus comme clous

la vieillesse, la solitude,

savez-vous ce que c’est ? et l’affreuse nouvelle

qu’on meurt sur les saisons ?

Allez, allez, il faut s’agripper à la vie !

Et la vie s’est effondrée comme un plancher pourri

et la noce des jours est tombée dans la cave

avec ses musiciens aveugles…

Je ne songeais pas, camarades,

qu’un jour nous referions ce voyage d’Ulysse

les bourses vides. Il fut un temps

où nous ne songions pas que notre soif des hommes

et notre soif d’éternité

ne feraient plus qu’une poignée

de fiente, à peine chaude

— d’oiseaux.

Benjamin Fondane, « Ulysse », Le mal des fantômes, Verdier, pp. 68-69.

David Farreny, 21 juin 2013
ancêtre

Mais peut-être est-ce là aussi l’apparence – l’apparition : avec un ancêtre en moi, je ne suis plus au singulier ; je me tiens plus droit, j’ai une autre attitude ; je fais et j’évite, je dis et je tais ce qu’il faut faire et éviter, dire et taire en cas de danger.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 148.

Cécile Carret, 11 sept. 2013
exemple

Prenons par exemple, assise dans une cellule vide et cubique d’apparence carcérale, une jeune femme nommée Céleste Oppenheim.

Jean Echenoz, « Nitrox », Caprice de la reine, Minuit, p. 87.

Cécile Carret, 26 avr. 2014
prestige

Si nous comprenions vraiment notre vie, le suicide aurait un prestige tel qu’il nous serait impossible d’y avoir recours.

Jérôme Vallet, « Il se dit que si la porte était fermée, il aurait plus chaud », Georges de la Fuly. 🔗

David Farreny, 18 mars 2024

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