pleine

Une phrase pleine… Qui me donnerait une phrase pleine ? Mais ce serait me tuer.

Renaud Camus, « lundi 3 janvier 1994 », La campagne de France. Journal 1994, Fayard, p. 13.

David Farreny, 22 mars 2002
consoler

Les chagrins nous restent parce qu’on se souvient. Ceux que nous avons été, jour après jour, confient leur grief à celui qui les continue. Ils croient que le discernement, la volonté ou, simplement, les moyens dont ils sont dépourvus, lui les possédera et qu’il reviendra sur ses pas pour consoler ses hypostases lointaines. Le psychologue Zeigarnik suggère que c’est de ce qui n’a pas trouvé sa résolution que nous nous souvenons. Le reste s’est consumé dans un présent pur.

Pierre Bergounioux, « Visitation », « Théodore Balmoral » n° 58, automne-hiver 2008, p. 40.

David Farreny, 10 nov. 2009
cliquetis

Un instant encore, elle s’est tenue devant la porte, les yeux perdus dans la cuisine encombrée de bagages puis elle s’est éloignée avec le cliquetis que font les ongles des chiens, sur le ciment, et je l’ai perdue de vue.

Pierre Bergounioux, Chasseur à la manque, Gallimard, p. 16.

Cécile Carret, 14 avr. 2010
précédents

L’histoire, sur laquelle notre début de siècle s’est tellement appuyé pour vivre et penser, ne servira bientôt plus de rien, tant ce qu’on va voir (basé sur la technique et non plus sur l’horreur) aura de moins en moins de précédents.

Paul Morand, « 15 février 1976 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 731.

David Farreny, 23 sept. 2010
fils

À le voir, Dino Egger, à simplement le voir, nul n’eût pu deviner ce qu’il tramait avec les fils de nos jours ; on l’eût pris pour un pauvre bougre de rempailleur, un chiffonnier. D’ailleurs, il n’aurait pas refusé votre vieux manteau et le voilà vêtu pour la vie.

Éric Chevillard, Dino Egger, Minuit, p. 34.

Cécile Carret, 27 janv. 2011
dans

Mais, pour l’individu, la nature inorganique devient une nature présupposée, trouvée là ; et c’est en cela que consiste la finitude du vivant. L’individu est pour lui-même face à cette nature, mais de telle manière que cette connexion de tous les deux est, sans réserve, une connexion absolue, indissociable, intérieure, essentielle, car l’être organique a cette négativité dans lui-même.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Des manières de considérer la nature (additions) », Encyclopédie des sciences philosophiques, II. Philosophie de la nature, Vrin, p. 667.

David Farreny, 23 mai 2011
entrepreneurs

Ensuite, nous avons conversé plutôt librement, eux et moi, et en fait c’étaient des entrepreneurs, un couple d’entrepreneurs. Ils travaillaient dans le plomb. À les entendre, plus personne ne voulait de plomb, avec les nouvelles normes, et pourtant, m’a dit l’homme, qui allait nettement mieux, il en faut bien, du plomb, non ? J’ai dit si, en cherchant dans ma tête qui pouvait bien avoir besoin de plomb, aujourd’hui, à part les chasseurs, puis l’homme a dit que ce n’était pas si grave, en fait, que depuis quelques temps ils s’étaient spécialisés dans la fabrication de baguettes profilées à destination des verriers, pour les vitraux d’église.

Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 31.

Cécile Carret, 26 sept. 2011
France

Revoir la France.

C’est d’abord l’odeur javellisée des camionnettes qu’on dépasse. Les bâches vert Véronèse des mêmes camionnettes et la belle couleur de la publicité Olida ou Saint-Raphaël qui frappe. Ensuite c’est la largeur de la campagne. Étendue dans laquelle cet effort crispé pour l’ordonnance des maisons et des jardins – qui gêne en Suisse – n’est pas nécessaire parce que les villages – même morts, même bâclés – ne peuvent rien contre l’ordre puissant des paysages. Il y a une part de générosité dans l’anarchie, une part positive qui me frappe bien plus que la négative. Ici en tout cas. En retrouvant la France, cette France à la Courbet qui s’étend de Poligny à Dijon, les mots « suc » et « durée » me venaient sous la langue.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 60.

Cécile Carret, 18 juin 2012
clairière

Ni l’étude ni la sagesse ni le comble de l’art ne forment rien qui approcherait cet idéal atteint sans effort du simple fait d’être une petite fille.

Attention : je ne parle pas ici de Lolita. Je parle des petites filles, des pré-nymphettes dont le corps grêle et rond est encore dans le cocon des limbes, et qui sont si belles justement de ne pas prêter le flanc au désir, de n’être pas saccagées déjà virtuellement par le désir, de n’être pas des objets de convoitise ni davantage des corps défendant, point enfermées du coup dans la minuscule cellule du désir masculin à l’imagination si pauvre, si pauvre, qu’on dirait l’homme mû toujours par son pas militaire et que nul amour ne résiste bien longtemps à ce pilonnage répétitif supposé représenter le couronnement ou l’acmé de la rencontre entre deux êtres.

Une petite fille ! Voilà vers quel état, quelle réalisation de soi il faudrait tendre, tous autant que nous sommes : devenir des petites filles. Avec cet entrechat si particulier qui leur vient à toutes – mais d’où ? mais comment ? – quand elles courent, et que je n’ai jamais vu un garçonnet exécuter spontanément. Avec ces visages que rien ne dépare, ni la varicelle ni le rhume ni la colère ni les pleurs. Et le sommeil sur elles comme la paix sur le monde. Et le rire entier, qui prend tout leur visage – et leurs cheveux rient aussi. Aucune espèce de vulgarité ne les touche ; même quand leurs parents n’en manquent pas, elle ne les affecte en rien, les petites filles passent au travers leurs membres frêles. Elles vivent dans la clairière. Même sérieuses, appliquées, volontaires, elles ont ce menton minuscule. […] Tout ce que l’homme ingénieux et savant a bâti, rapporté à ce qu’elles sont, ne peut nous inspirer que du remords. Tout est dépravation qui n’est plus la petite fille, tout gâchis, désastre, folie, abjection.

Et voilà que ce qui était d’emblée l’accomplissement même va se défaire inexorablement !

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 106.

Cécile Carret, 25 fév. 2014
inopportunément

Non seulement un enfant non voulu quelquefois naît de tes accouplements mais, par la suite, il lui arrive encore de surgir inopportunément quand tu baises.

Éric Chevillard, « mardi 16 juin 2015 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 16 juin 2015

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