deviner

Personne ne saurait même deviner l’infini de ma désertion.

Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 377.

David Farreny, 20 mars 2002
expérience

L’expérience, c’est se rendre compte que rien n’a changé.

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 71.

David Farreny, 21 mars 2002
immoralité

Nous appelons escroc le joueur qui a trouvé le moyen de jouer à coup sûr ; comment nommerons-nous l’homme qui veut acheter, avec un peu de monnaie, le bonheur et le génie ? C’est l’infaillibilité même du moyen qui en constitue l’immoralité, comme l’infaillibilité supposée de la magie lui impose son stigmate infernal.

Charles Baudelaire, Œuvres complètes, Robert Laffont, p. 256.

David Farreny, 22 mars 2002
mort

Or, la mort ne nous empêche même pas d’aller au cinéma.

Witold Gombrowicz, Journal (1), Gallimard, p. 91.

David Farreny, 22 mars 2002
dialogue

Lorsque deux sujets se disputent selon un échange réglé de répliques et en vue d’avoir le «  dernier mot  », ces deux sujets sont déjà mariés : la scène est pour eux l’exercice d’un droit, la pratique d’un langage dont ils sont copropriétaires ; chacun son tour, dit la scène, ce qui veut dire : jamais toi sans moi, et réciproquement. Tel est le sens de ce qu’on appelle euphémiquement le dialogue : ne pas s’écouter l’un l’autre, mais s’asservir en commun à un principe égalitaire de répartition des biens de parole. Les partenaires savent que l’affrontement auquel ils se livrent et qui ne les séparera pas est aussi inconséquent qu’une jouissance perverse (la scène serait une manière de se donner plaisir sans le risque de faire des enfants).

Roland Barthes, « Faire une scène », Fragments d’un discours amoureux, Seuil, p. 243.

Élisabeth Mazeron, 25 janv. 2010
divin

Le divin, son importance dans ma vie. Pourtant quelque chose constate ironiquement en moi, pendant que je fais le récit d’un rêve, que le divin est bien plus présent dans ma pensée, en été, à la campagne et par beau temps.

Henry Bauchau, Jour après jour. Journal d’« Œdipe sur la route » (1983-1989), Actes Sud, p. 218.

Bilitis Farreny, 26 août 2011
vérité

Et ce qui s’imposa à moi dans cette matinée de janvier, et que le reste de ma visite ne vint pas contredire, ce fut la sensation, en ce lieu de convalescence, d’une sorte d’équivalent populaire de La Montagne magique, et cela non au prix d’un effort de pensée ou d’une réflexion, mais avec la spontanéité et le naturel d’une musique que j’aurais soudain entendue. Suite à ce choc devant l’évidence de ce roman virtuel, j’eus la certitude que le territoire tout entier était truffé de tels romans et qu’à ce titre il méritait d’être revisité, non par acquit de conscience mais parce qu’un puissant écho de vérité se dégageait de ces instants. C’est ainsi que l’idée me vint de dresser une liste de lieux dont je pouvais penser qu’ils me réserveraient de telles surprises : c’étaient les lieux eux-mêmes qui m’envoyaient leurs signaux, et ils le faisaient avec d’autant plus d’insistance qu’entre-temps, grâce aussi (à partir de 1997) à mon travail d’enseignement à l’École nationale de la nature et du paysage de Blois (travail dont bien des échos s’entendront dans ce livre), je me retrouvais plus souvent qu’auparavant sur les routes et porté par la nécessité d’interpréter, comme un apprenti musicien, la partition de ce que je voyais.

Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement. Voyages en France, Seuil, p. 12.

Cécile Carret, 15 déc. 2012
seul

Oui, à quel point on se retrouve vite seul à ouvrir une porte de chambre, à ouvrir une fenêtre, à s’engager sur un chemin latéral !

Peter Handke, Par une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, Gallimard, p. 75.

Cécile Carret, 21 juil. 2013
brick

In place of food, my senses existentially turn to old high walls of red brick, and I lie awake at night weighing the fascination. There will never be an end or a conclusion to this dazed attraction, and even now, decades on, I cannot find any written acknowledgement of the trance such things pull me into. Whatever detains the eye is understood by no one, least of all me.

Morrissey, Autobiography, Penguin, pp. 53-54.

David Farreny, 26 janv. 2014
séparé

Travaillé jusqu’à tard. Roulé dans la ville, célibataire, séparé. L’irréalité dont tout est frappé se reconnaît sans mal ; c’est celle de l’attente.

Gérard Pesson, « dimanche 1er octobre 1995 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 208.

David Farreny, 4 fév. 2014
spacieux

Tout ce gravier roulait sous mes semelles trop épaisses pour me permettre de tâter le terrain, m’obligeant à chaque pas à m’accrocher aux branches trop souples des arbustes ou à une touffe d’épineux.

Je me rappelle pourtant bien avoir atteint le sommet d’où, après un moment de répit passé affalé sur le dernier replat, j’escomptais prendre des environs une vue intéressante, mais il ne me reste aucun souvenir de ce que j’y ai contemplé.

Peut-être l’effort que j’avais dû fournir m’avait-il momentanément privé de toute ressource émotive ; ou peut-être n’ai-je ressenti qu’une déconvenue elle-même d’ailleurs due à cet affaiblissement de ma capacité à réagir en présence d’un paysage répondant à mon appétit pour le spacieux.

Il ne contredit pas un goût tout aussi prononcé pour la clôture : un cercle étroit de collines boisées autour de quelques toits architecturés au creux des prés par un hasard géométricien de génie.

Bien que le temps les oblige à se manifester tour à tour, ce sont deux aspects concomitants du même unique mouvement, et qui s’engendrent l’un l’autre en un point que nous ne pouvons situer que comme un point de fuite.

Devant une irruption du spacieux, j’éprouve une envie très intense de m’y fondre et, comme je n’y parviens jamais complètement, j’exécute une espèce de danse rituelle compensatrice, un peu auvergnate, un peu sioux, qui témoigne au moins de l’allégresse que m’inspire cette rencontre avec un premier degré de l’infini.

Si je pousse en même temps parfois des cris inarticulés ou improvise une mélopée plus savante ? — j’avoue que oui, car il s’agit de célébrer l’ampleur du monde dans un langage lyrique dont les vocables n’aient ni moins ni plus de sens que les sons naturels produits par le vent et les eaux courantes.

Jacques Réda, « Autres écarts expérimentaux », «  Théodore Balmoral  » n° 71, printemps-été 2013, p. 64.

David Farreny, 29 juin 2014
inéluctable

Si inéluctable est une épée au-dessus de la tête, inéluctabilité n’en finit pas de se vider de son contenu.

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du temps, p. 159.

David Farreny, 16 oct. 2014
âme

L’impalpable épiphanie du rien : cela seul m’aura requis ici-bas.

L’intellect tendu à l’extrême requiert le mode aphoristique. La brièveté est l’âme de l’esprit.

Roland Jaccard, « 7 novembre 1991 », Journal d'un homme perdu, Zulma, p. 227.

David Farreny, 28 fév. 2024
abstraits

Plaisirs de la chère et de la chair font des souvenirs très abstraits. La mémoire est une archiviste frugale et frigide.

Éric Chevillard, « lundi 7 octobre 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 2 mars 2024

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