croupetons

On se met à croupetons et l’on a ainsi la sensation d’être chez soi.

Maurice Roche, Compact, Tristram, p. 107.

David Farreny, 20 mars 2002
feuilletés

Non que je sois prêt à me convertir à ce point de vue, pas du tout. Mais je n’ai de points de vue que feuilletés, stratifiés de contradictions qui sont les points de vue des autres, ceux que je leur connais et ceux que je leur suppose, et mes propres points de vue anciens, dépassés, certes, mais non pas abandonnés pour autant. Et rien n’empêche, à considérer en moi ce millefeuille de l’opinion et du regard, de lui imaginer des étages à venir, qui seront mes points de vue de demain, plus contradictoires encore, plus libéraux, mieux enrichis de leurs strates constitutives, plus généreux et plus impérialistes.

Renaud Camus, « samedi 6 août 1994 », La campagne de France. Journal 1994, Fayard, p. 259.

David Farreny, 21 mars 2002
tripes

Verrues sur les doctrines

tripes sur les doctrines

crachats sur les doctrines

Henri Michaux, « Ratureurs », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 422.

David Farreny, 22 juin 2002
intervalles

Dans cet état d’illusion et de ténèbres, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir ; si nous pouvions étouffer en entier sa lumière, nous n’en regretterions pas la perte, nous envierions volontiers le sort des insensés : comme ce n’est plus que par intervalles que nous sommes raisonnables, et que ces intervalles de raison nous sont à charge et se passent en reproches secrets, nous voudrions les supprimer ; ainsi marchant toujours d’illusions en illusions, nous cherchons volontairement à nous perdre de vue pour arriver bientôt à ne nous plus connaître, et finir par nous oublier.

Buffon, « De l’homme », Histoire naturelle, Gallimard, p. 127.

David Farreny, 23 janv. 2006
féroce

       Lorsque nouvellement

Dans l’intime du cœur

Naît un désir d’amour,

Languide et las se fait sentir ensemble

Un désir de mourir :

Comment, je ne le sais, mais tel est

D’amour puissant et vrai le premier fruit.

Peut-être apeure les yeux

Ce désert : pour lui, le mortel

Désormais voit peut-être la terre

Inhabitable, sans cette

Neuve, seule, infinie

Félicité qui lui peint l’âme ;

Mais, par elle, en son cœur pressentant

La tempête, il aspire à la paix,

Aspire à jeter l’ancre,

Face au féroce désir

Qui déjà gronde et partout, partout, jette la nuit.

Giacomo Leopardi, « Amour et mort », Chants, Flammarion, p. 195.

David Farreny, 10 juin 2009
nain

Buter sur une limite, de tête, de cœur, de main, de temps… Toujours revenir à ce constat simple : la vie devrait être un continuel élan libre, et elle est perpétuellement restreinte, tenue à l’étroit par le réel, brimée, voire interdite. Tout rabattre à ras, dès lors, revient à maintenir possible un bonheur nain.

Antoine Émaz, Cuisine, publie.net, p. 32.

Cécile Carret, 2 fév. 2012
stylisation

Banque, puis cherché le magasin des poupées de wayang. Travail magnifique que la peinture vulgaire abîme ensuite. Dans la stylisation des formes il y a quelque chose qui vient de la plume, du monde des oiseaux, qui rappelle le côté échassier qu’ont si souvent les Javanais. Côté perché, distrait, ailleurs, prêt à s’envoler dans un déploiement de surfaces insoupçonnées.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 124.

Cécile Carret, 28 juin 2012
beauté

Mon amie avait toujours qualifié les autres de beaux – c’était le premier être à qui, intérieurement, j’appliquais ce mot. Je n’échangeais jamais avec lui d’autres mots que ceux des saluts, des commandes et des remerciements ; il ne parlait pas aux clients, ne disait que le strict nécessaire. Sa beauté venait d’ailleurs moins de son aspect que d’une attention constante, d’une vigilance aimable. Jamais on n’avait besoin de l’appeler ni même de lever le bras : debout dans le coin le plus reculé de la salle ou du jardin, où il s’installait quand il avait un moment de liberté, et rêvant apparemment à quelque lointain, il embrassait tout le secteur du regard et suivait la moindre mimique, la prévenait même, incarnant l’image de la « prévenance » d’une autre manière que le ferait l’idéal d’un manuel de savoir-vivre. […] Curieux aussi le soin avec lequel il traitait les objets les plus ordinaires ou les plus détériorés (il n’avait pratiquement que de ceux-là à l’auberge) : la façon dont il vérifiait le parallélisme des couverts de fer-blanc, dont il essuyait le bouchon en plastique du flacon de condiment. Une fois, il se tenait debout, en fin d’après-midi, dans la pièce nue et vide, regardant, immobile, devant soi, puis il se dirigea vers une niche éloignée et eut pour la carafe qui s’y trouvait un geste tendre qui emplit d’hospitalité la maison tout entière.

Peter Handke, Le recommencement, Gallimard, p. 177.

Cécile Carret, 21 sept. 2013
cherche

Le châtiment de celui qui se cherche est qu’il se trouve.

Nicolás Gómez Dávila, Scolies à un texte implicite (2), p. 68.

David Farreny, 26 mai 2015

mot(s) :

auteur :

rechercher 🔍fermer