ce

Un Hindou adorerait un mur plutôt que de ne rien adorer du tout. Il le ferait. Ce lui est possible.

Henri Michaux, « Idoles », Œuvres complètes (1), Gallimard, p. 695.

David Farreny, 20 mars 2002
mauvaise

Il n’est pas passé cependant, ce commun voyage en ligne droite par la montée de la petite rue pavée, avec le retour par l’allée qu’éclairait le soleil du soir ; il est toujours présent et c’est pourtant une mauvaise plaisanterie que de le dire présent.

Franz Kafka, Lettres à Milena, Gallimard, p. 82.

David Farreny, 22 mars 2002
horreur

De brusques montées d’horreur. Horreur de l’amour physique, de l’accouplement, à m’évanouir de dégoût. Horreur de la parole quotidienne, qui va de l’un à l’autre, et charrie toute notre vulgarité, notre mesquinerie, notre néant. Horreur de figurer dans une pièce sans queue ni tête, dans cette sale socialité. J’en suis arrivé à ne plus pouvoir me « changer ». Je porte le même pantalon, les mêmes godasses, la même veste, depuis des années. Bien forcé d’en rabattre, tout de même, avec le slip, la chemise, les chaussettes… Horreur qui se colle à moi, qui m’envahit, comment rentrer chez soi, comment supporter qu’on ne s’en aperçoive pas, qu’on me parle comme si de rien n’était ! Comment ne pas exploser, être dur, se faire rembarrer, rentrer dans le drame…

Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 103.

David Farreny, 13 avr. 2002
moindre

L’air cru étourdit. Les blocs sourds de granit proclament, sans phrase, la brièveté fulgurante de nos vies, la vanité de nos vues, la fatalité de l’oubli. Rien n’a changé. Rien ne changera jamais. Nous passons comme des rêves et cette pensée, cet émoi dont on est transi, sont eux-mêmes dénués de la moindre importance.

Pierre Bergounioux, « Millevaches », Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 70.

David Farreny, 24 mai 2002
plein

Voilà bien la vie calme, placide, de l’Antiquité, sans crainte et sans larmes. Un tombeau ancien : jamais un emblème de pleurs.

Ce sont des amours, des scènes mythologiques sur le sarcophage, n’ayant aucun rapport avec la personne (histoire d’Achille, les Amazones, etc.). La mort était chose si simple, quand elle venait naturellement.

Quand on mourait jeune, alors cela paraissait anormal, et on plaignait. « Il s’endormit plein de jours. »

Ernest Renan, Voyage en Italie, Arléa, p. 37.

David Farreny, 25 déc. 2004
volume

Cependant, tel le beau poisson qui scintille parfois dans le courant d’une rivière aux eaux sales et troubles à la sortie des usines, brille de temps en temps dans ce flot de vieux papiers le dos d’un volume précieux ; ébloui, je regarde un moment ailleurs puis je le repêche, je l’essuie à mon tablier, je l’ouvre, je hume le parfum de son texte, je concentre mon regard sur la première phrase et la lis telle une prédiction homérique, et ce n’est qu’après ça que je dépose le livre au sein de mes autres belles trouvailles, dans une caisse tapissée d’images saintes jetées par erreur dans ma cave avec des livres de prières.

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, p. 13.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
endroit

Chez ma mère, qu’un jour je surpris, sans le vouloir, toute nue, assise devant son armoire à glace, ce qui la fit être deux, il y avait du crin noir bouclé, enroulé sur lui-même, dont les touffes se dirigeaient en tous sens : une sorte de chevelure ramassée et crépue au mauvais endroit. Je m’en secouai de dégoût et d’horreur, des journées entières : sur du lisse rose ou blanc et doux au toucher, il pouvait donc y avoir ce noir qui crissait sous les doigts.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 88.

Cécile Carret, 10 juil. 2011
figures

M’installe au bureau, dans la nuit profonde, et peine à repartir, après la triste interruption de vendredi. J’essaie de décrire l’espèce d’idole peinte qui tenait la Parfumerie Bleue puis passe aux hommes, à ces commerçants qu’on voyait plantés sur leur pas de porte, comme des figures barométriques, et sous le regard desquels il fallait passer. Ça m’agaçait. Je sentais confusément les atteintes d’un pour-autrui que les étroites, les mesquines cervelles où il se formait rendaient amer, mal assimilable. On devenait, à son corps défendant, un personnage du texte médiocre, tout intérieur, que ces contemplatifs rogues brochaient, du matin au soir, à partir des péripéties, non moins médiocres, répétitives, du spectacle de la rue. Le bonheur, la liberté que j’éprouvais, deux ou trois jours durant, entre la fin juillet et le début août, tenaient à ce qu’ils étaient momentanément absentés, partis en vacances. Le monde était purgé des interprétations dénigrantes ou malignes, des regards urticants qui lui conféraient une partie de sa réalité.

Pierre Bergounioux, « samedi 21 septembre 2002 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 285.

David Farreny, 26 janv. 2012
impression

C’est le seul moyen de fuir la société tout en faisant bonne impression, aussi je ne la laisse à personne : la vaisselle.

Éric Chevillard, « mercredi 2 mars 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 3 mars 2016

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