non-accomplissement

J’appelais aussi : « Oh ! toi, qui m’es tellement et pour qui je ne suis presque plus rien peut-être, mirage toujours au milieu de mon horizon, visage si beau toujours à distance, combien mon être est dans la misère quand je songe à notre amour. Oh ! non-accomplissement. Je ne sais plus chercher mon bien. Je ne sais plus fuir mon mal. Les terres labourées sont derrière moi. Oh ! comme la pensée de cela est difficile à porter. »

Henri Michaux, « Vents et poussières », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 172.

David Farreny, 9 nov. 2005
flottement

Là où elle est, déclara-t-il, elle doit maintenant faire comme nous, j’imagine, elle doit envisager de se coucher. Il est certain que cette femme elle aussi a l’obligation de dormir de temps en temps, commenta Kontcharski. Comment ça ? fit Marc. Ça ne lui retire rien, il me semble. Je n’ai pas dit ça, fit Kontcharski. Moi aussi, intervins-je, je l’imagine très bien en train de dormir. Ah oui ? fit Marc. Oui, dis-je. Je pense qu’elle est réelle, qu’elle existe réellement et qu’elle va dormir cette nuit, je veux dire que je pense comme toi, que je l’imagine très bien dormir. Il y eut un petit moment de flottement, ici, parce que personne ou presque ne semblait comprendre ce que chacun voulait exactement dire, flottement dont je tentai de sortir tout le monde en observant que cette femme, par ailleurs, était peut-être arrivée là où elle allait, elle. C’est-à-dire ? me reprit Marc. Eh bien, formulai-je, en proie à un nouvel embarras, mais c’était un peu tard pour biaiser, maintenant, elle ne sera peut-être plus sur la route demain, je suppose que tu en as conscience. Bien sûr, convint Marc. Ça ne l’empêche pas d’être la femme de l’autoroute. Non, dis-je, et Kontcharski acquiesça également en précisant qu’on ne pourrait jamais lui retirer l’autoroute, à cette femme. Bon, dit Marc, si on allait dormir ?

Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 71.

Cécile Carret, 14 sept. 2008
tremblé

Je viens à bout du chapitre huit au prix d’une page et couvre à peu de chose près la première du suivant. L’approche de la fin me remplit d’une impatience funeste. Je choisirais très volontiers la ligne droite et le terrain plat, m’en tiendrais à la trame, prendrais la corde si j’écoutais le gros paresseux qui ne dort que d’un œil, dans son coin. Il faut me reprendre fermement en main pour chercher la juste couleur des choses, leur coefficient d’adversité, leur tremblé quand on est aux prises avec elles et qu’elles pourraient bien l’emporter. C’est de tout cela que le paresseux, le sagouin, l’éternel enfant ferait litière pour s’épargner la peine de vivre.

Pierre Bergounioux, « mercredi 14 octobre 1987 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, pp. 639-640.

Élisabeth Mazeron, 11 nov. 2008
courbas

Comme à ce roi laconien

Près de sa dernière heure,

D’une source à l’ombre, et qui pleure,

Fauste, il me souvient ;

De la nymphe limpide et noire

Qui frémissait tout bas

— Avec mon cœur — quand tu courbas

Tes hanches, pour y boire.

Paul-Jean Toulet, Les contrerimes, Gallimard, p. 55.

David Farreny, 8 fév. 2009
faudrait

Faudrait un sursaut de main, un levier pour soulever cette mélancolie massive, collante, face au monde et à vivre. Repartir du mimosa par exemple qui boule jaune dans mon coin clope au lycée. Ou bien cette nécessité de la révolte pour refuser cette vie – peau de chagrin imposée au plus grand nombre.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 45.

Cécile Carret, 4 mars 2010
angle

Il y a quelque chose qui m’a toujours étonné. C’est la difficulté qu’on éprouve à se trouver des défauts. Et comme ceux des autres nous sautent aux yeux. La sincérité envers soi-même, ce n’est sans doute pas autre chose que ce regard d’un autre en soi, regard rarement bien placé, changeant, « objectif ». On éprouve l’impression de sincérité quand l’angle est bon, c’est-à-dire écartelant.

Georges Perros, « Feuilles mortes », Papiers collés (3), Gallimard, p. 267.

David Farreny, 27 mars 2012
triomphe

L’Arc révèle le vide de tout Triomphe.

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 195.

David Farreny, 2 avr. 2013
île

ÎLE est un pronom personnel transgenre. Pour le ou la naufragé(e), la solitude sera moins cruelle.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 57.

Cécile Carret, 4 fév. 2014
groupements

Dans les groupements humains, seuls s’additionnent les défauts de ceux qui se regroupent.

Nicolás Gómez Dávila, Nouvelles scolies à un texte implicite (2), p. 146.

David Farreny, 27 mai 2015

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