coudre

Cet inapaisable hurlement, des heures, des jours durant, que rien, qu’aucune menace, aucun pourparler n’arrêteront. Ce hurlement sans fin, ce hurlement spécial du vent par vagues et par reprises et damnés crescendos nous provoque, nous oblige nous-mêmes à hurler.

Si encore il y avait une raison, mais impossible d’en trouver une. Cette machine à nous coudre à des fous qui courent et qu’on ne voit pas est la plus haïssable qui soit.

Henri Michaux, « Passages », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 300.

David Farreny, 13 avr. 2002
désir

N’empêche : ce qui combat le mieux la fatigue, c’est le désir. Beaucoup de gens, en voyage, répètent qu’ils ne peuvent plus s’intéresser à rien parce qu’ils sont fatigués. Mais à moins qu’il ne s’agisse de vieillards, ou de malades, c’est tout le contraire : ils sont fatigués parce qu’ils ne s’intéressent à rien, ou à peu de chose, ou très modérément, par convention. Un palais de plus, une salle d’un musée, une église supplémentaire, c’est pour eux une épreuve ajoutée, nullement une curiosité nouvelle à satisfaire, un plaisir, l’objet d’un désir. Plus chiche leur intérêt, plus grande leur lassitude.

Renaud Camus, « lundi 27 avril 1987 », Vigiles. Journal 1987, P.O.L., p. 154.

Élisabeth Mazeron, 16 avr. 2005
gît

Par

1 000 m de fond

l’émerveillement gît

Jean-Pierre Georges, Passez nuages, Multiples, p. 22.

David Farreny, 20 août 2006
fêtes

Tant de choses à te dire, Stévo ; et tant de questions à te poser. Ou plutôt une seule question : qu’est-ce qu’il y a derrière les fêtes et les deuils du monde, et derrière l’histoire, et derrière tout ce que nous voyons ?

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 251.

David Farreny, 24 avr. 2007
rien

Quoique je ne fusse pas absolument convaincu, je me pliai à la suggestion de Kontcharski de laisser là la chaise, et nous nous en fûmes, la pensée me venant que notre voyage, pour s’effectuer sur l’eau, ne devait pas moins, à des fins de distraction, se dérouler à pied, d’un pont à un autre, et jusque dans les coins et recoins du navire, dont nous commençâmes à découvrir la cafétéria, donc, avec son bar et ses plateaux, ses tables entièrement occupées par des gens qui ne consommaient rien et qui, par les vitres ensalées, ne regardaient rien, ces gens, par conséquent, leur étalement dans un espace qu’ils se contentaient d’investir sans y rien regarder non plus, pas même leurs semblables, le relâchement de leur posture, leur indifférence à tout ce qui n’était pas le confort, illusoire, dont ils s’acharnaient à jouir jusqu’au bout, devenant pour nous un sujet d’affliction puis d’échange, c’est éprouvant, même, estima Marc, vous ne trouvez pas ? Et ils ont des enfants, enchaîna Kontcharski.

Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 89.

Cécile Carret, 21 sept. 2008
méditer

Il faut de moins en moins écrire et bientôt ne plus écrire du tout. L’écriture est contraire à la méditation. Ta paresse à méditer s’appuie sur ce que tu comptes te délivrer à demi en écrivant.

Pierre Drieu La Rochelle, « Journal 1944-1945 : 8 janvier », Récit secret. Journal 1944-1945. Exorde, Gallimard, p. 74.

Élisabeth Mazeron, 20 juin 2009
baiser

Ils font l’amour cette nuit-là, s’endorment épuisés et, les jours suivants, n’étant plus obligé d’aller au bureau, il n’a qu’une obsession : rester enfermé avec elle à la maison, ne pas quitter le lit, ne pas arrêter de la baiser. Il ne se sent en sécurité qu’en elle, c’est la seule terre ferme. Autour, les sables mouvants. Il reste trois, quatre heures sans débander, n’a même plus besoin du gode qui, souvent, relayait sa bite pour donner à Elena ces interminables orgasmes à répétition qui faisaient leur joie à tous les deux. Il tient son visage entre ses mains, la regarde, lui demande de garder les yeux ouverts. Elle les ouvre très grands, il y voit autant d’effroi que d’amour. Après, rompue, hagarde, elle se tourne sur le côté. Il veut la prendre encore. Elle le repousse, d’une voix ensommeillée dit que non, elle n’en peut plus, sa chatte lui fait mal. Il retombe dans l’abandon comme dans un puits.

Emmanuel Carrère, Limonov, P.O.L., p. 156.

Guillaume Colnot, 10 janv. 2013
presque

Pendant que je dors, je vis presque.

Édouard Levé, « Pendant », Inédits, P.O.L..

David Farreny, 25 mai 2024
sens

Ainsi, toute vie est un exemple et doit être vécue comme tel. Toute vie s’adresse à quelqu’un et c’est dans cette mesure – uniquement dans cette mesure – qu’elle a un sens, même si le sens de la vie reste par ailleurs totalement obscur.

Imre Kertész, « 1989, 7 mars », Journal de galère, Actes Sud.

David Farreny, 9 déc. 2024

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