L’expérience, c’est se rendre compte que rien n’a changé.
Georges Perros, Papiers collés (2), Gallimard, p. 71.
Les Cétonidés aiment le plein midi.
Pierre Bergounioux, Le Grand Sylvain, Verdier, p. 26.
Comment dire cela ? Il aurait fallu une manière accidentée que je ne possède pas, faite de surprises, de coq-à-l’âne, d’aperçus en un instant, de rebondissements et d’incidences, un style instable, tobogganant et babouin.
Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 620.
Il y eut dix Aristote : le premier est notre philosophe ; le second gouverna à Athènes, et on lui attribue d’agréables discours judiciaires ; le troisième a écrit sur l’Iliade ; le quatrième est un orateur siciliote qui fit un écrit contre le Panégyrique d’Isocrate ; le cinquième, surnommé Mythos, était un ami d’Eschine, le disciple de Socrate ; le sixième était de Cyrène et fit un art poétique ; le septième était pédotribe, et Aristoxène fait mention de lui dans sa Vie de Platon ; le huitième fut un obscur grammairien qui fit un traité sur le pléonasme.
Diogène Laërce, « Aristote », Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres (1), Flammarion, p. 240.
Moi, pas inquiet, je continuais à « être ». Sans plus. C’était beaucoup.
Henri Michaux, « Connaissance par les gouffres », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 21.
Le divin, son importance dans ma vie. Pourtant quelque chose constate ironiquement en moi, pendant que je fais le récit d’un rêve, que le divin est bien plus présent dans ma pensée, en été, à la campagne et par beau temps.
Henry Bauchau, Jour après jour. Journal d’« Œdipe sur la route » (1983-1989), Actes Sud, p. 218.
Tout en marchant, je n’ai pas pu m’empêcher, en passant devant une vitrine, d’y vérifier à quelque distance mon reflet. J’aurais préféré me trouver plus élancé, mais ça n’a pas été le cas.
Christian Oster, Rouler, L’Olivier, p. 133.
Quand un jour tu te retrouveras devant la mort sur un lit d’hôpital, ce sera aussi du présent.
Jean-Pierre Georges, « Jamais mieux (3) », « Théodore Balmoral » n° 71, printemps-été 2013, p. 115.
Il est seul, abandonné des anciennes classes et des nouvelles. Sa chute est d’autant plus grave qu’il vit aujourd’hui dans une société où la solitude elle-même, en soi, est considérée comme une faute. Nous acceptons (c’est là notre coup de maître) les particularismes, mais non les singularités ; les types, mais non les individus. Nous créons (ruse géniale) des chœurs de particuliers, dotés d’une voix revendicatrice, criarde et inoffensive. Mais l’isolé absolu ? Celui qui n’est ni breton, ni corse, ni femme, ni homosexuel, ni fou, ni arabe, etc. ? Celui qui n’appartient même pas à une minorité ? La littérature est sa voix, qui, par un renversement “paradisiaque”, reprend superbement toutes les voix du monde, et les mêle dans une sorte de chant qui ne peut être entendu que si l’on se porte, pour l’écouter, très au loin, en avant, par-delà les écoles, les avant-gardes, les journaux et les conversations.
Roland Barthes, Sollers écrivain, Seuil.
L’impalpable épiphanie du rien : cela seul m’aura requis ici-bas.
L’intellect tendu à l’extrême requiert le mode aphoristique. La brièveté est l’âme de l’esprit.
Roland Jaccard, « 7 novembre 1991 », Journal d'un homme perdu, Zulma, p. 227.
Si on avait une perception infaillible de ce qu’on est, on aurait tout juste encore le courage de se coucher mais certainement pas celui de se lever.
Emil Cioran, « Écartèlement », Œuvres, Gallimard, p. 994.