volcan

Était-ce bien lui ? Je fus frappé et aussitôt comme repoussé par l’enflure rouge de ses joues, éclatante… il semblait déjà avoir éclaté de partout à cause de cette enflure, qui avait fini par lui faire des membres disproportionnés, par épanouir sa chair de tous les côtés à la fois, de sorte que son corps odieusement florissant ressemblait à un volcan de viande jaillissante… et dans ses bottes de cavalier il étalait des pattes apocalyptiques, tandis que ses yeux semblaient nous contempler du fond de cette graisse comme à travers une petite lucarne. Mais il se collait à moi et me serrait dans ses bras. Il chuchota timidement :

— J’ai enflé… saloperie… Et d’où ça vient, cette graisse ? De tout, sans doute, de tout.

Witold Gombrowicz, La pornographie, Gallimard, p. 26.

David Farreny, 24 mars 2002
tomber

Le sexe en tant qu’institution, en tant que concept général, le sexe en tant que problème, le sexe platitude, c’est tellement assommant que les mots me manquent pour en parler. Laissons tomber le sexe.

Vladimir Nabokov, Partis pris, Julliard, p. 31.

David Farreny, 14 avr. 2002
œil

Le jardin s’agite, mais pas l’œil.

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 50.

Cécile Carret, 4 mars 2010
crampes

Dans cet amour, la dissonance est toujours repoussée, jamais résolue, sauvée comme disaient les traités. Une nouvelle couleur pour la tristesse, ce soir : très large, calme. Ce n’est plus la tristesse ordinaire d’après les séparations. À ce degré, c’est le regret de souffrances plus anciennes qui peuvent passer maintenant pour les crampes du bonheur.

Gérard Pesson, « dimanche 19 décembre 1993 », Cran d’arrêt du beau temps. Journal 1991-1998, Van Dieren, p. 124.

David Farreny, 22 mars 2010
virgule

Les yeux évoquaient les points de renfoncement d’un fauteuil capitonné : censés être le miroir de l’âme, on n’y lisait rien d’autre qu’un effort pour se frayer un passage jusqu’au monde extérieur. Le nez, virgule de cartilage dans un océan de chair, possédait ses narines comme un trésor précaire : un jour, cette prise de courant serait absorbée par la maçonnerie de la graisse. Il fallait espérer que l’individu pourrait alors respirer par la bouche, qui tiendrait sans doute jusqu’au bout, elle, animée par la force de survie des assassins.

Difficile en effet de regarder ce qui restait de cette bouche sans penser que c’était elle la responsable, que c’était cet orifice infime qui avait livré passage à cette invasion.

Amélie Nothomb, Une forme de vie, Albin Michel, p. 113.

Élisabeth Mazeron, 29 sept. 2010
articulations

Nos articulations sont autant de mauvais plis pris par le corps qui lui interdisent mille postures avantageuses, mille gestes décisifs. Je prétendais y remédier.

Éric Chevillard, Le vaillant petit tailleur, Minuit, p. 28.

Cécile Carret, 25 avr. 2011
moi

Ce qui rend les mauvais poètes plus mauvais encore, c’est qu’ils ne lisent que des poètes (comme les mauvais philosophes ne lisent que des philosophes), alors qu’ils tireraient un plus grand profit d’un livre de botanique ou de géologie. On ne s’enrichit qu’en fréquentant des disciplines étrangères à la sienne. Cela n’est vrai, bien entendu, que pour les domaines où le moi sévit.

Emil Cioran, « De l’inconvénient d’être né », Œuvres, Gallimard, p. 1316.

David Farreny, 31 janv. 2013
traînées

Aux approches de Paris, on plonge dans l’innommable, des traînées sales, brouillards jaunâtres, hydrogène sulfureux, nuées d’ypérite, flaques de naphte, mares de phosgène, grumeaux de bitume. Par un renversement de l’ordre ptoléméen, nous retombons dans la sphère de Saturne dont nous avions cru, durant le vol, nous être libérés. Pesanteur et goût de plomb. L’œuvre au noir n’a pas fonctionné. Et le minium, couleur d’aurore, n’a pas réussi sa cristallisation.

Jean Clair, Lait noir de l’aube, Gallimard, p. 147.

Guillaume Colnot, 25 sept. 2013

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