vivant

Je fus le vivant qui dit : « Je veux d’abord hiverner. »

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 449.

David Farreny, 22 juin 2002
explication

Aucune réalité. Seulement leur pirioréalité, leur loloréalité, qui en est une tout à fait fausse, toute morlofausse. Par une extension maligne arriver à englober et diluer et dénaturer le monde entier qui désormais échappe et trompe, voilà leur consigne, qu’ils appliquent. « Applique et complique. »

Sans doute beaucoup d’hommes de par le monde, justement révoltés, s’agitent. De grandes opérations de soulèvement et de révolutions ont lieu en mainte région du globe, mais (étrange tout de même) après quelque temps elles avortent toutes immanquablement et le statu quo ante se rétablit, mystérieusement. Une explication dès lors s’impose. Ce n’étaient que des piriorévolutions sans rien de réel, pirio, piriopolitique. Et tout continue comme par-devant.

Henri Michaux, « Vents et poussières », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 205.

David Farreny, 9 nov. 2005
microscopiques

Je dis que je ne veux rien faire

je m’en vante

que je ne veux pas aimer

travailler décider agir

qu’une vie de lierre de mousse

ou de lichen est mon idéal

quelle prétention que de pauvres

sottises qui contiennent sûrement

à des fins de plausibilité

les traces de microscopiques

parcelles de vérité

Jean-Pierre Georges, Je m’ennuie sur terre, Le Dé bleu, p. 57.

Élisabeth Mazeron, 23 juin 2006
degré

Mercredi – Derrière une fenêtre, à Jaurès, est suspendu un fil. Épinglés le long de ce fil cinq rectangles de papier, ou six, dont nous ne voyons que le dos. S’agit-il de photos qui sèchent à notre barbe, de recettes de cuisine, de mots d’amour ? Ou encore de factures, de partitions, de menaces ? De mouchoirs rêches, d’esquisses ? Je penche pour des rideaux pris au second degré.

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 20.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
tombe

Si j’ose dire, ma propre vie me tombe des mains.

François Nourissier, Le musée de l’homme, Grasset, p. 215.

David Farreny, 26 avr. 2009
lois

Le sapin se replante de lui-même, regagne après quelque temps sur les collines abandonnées. Le cycle est le suivant : le genêt s’installe en premier, puis dans la terre remuée, ouverte par ses racines, s’installe la graine du mélèze qui pousse sans ombre, et même en terrain sec. Lorsque le mélèze atteint 80 centimètres, la graine du sapin, ou de l’épicéa, s’installe dans son ombre, pousse – sa croissance est beaucoup plus rapide que celle du mélèze –, tue le mélèze qui avait déjà tué le genêt, et grandit. Sélection naturelle parmi les sapins, les mauvais sujets sont éliminés, les bons se développent – la fréquentation des forêts rend très sage. Certaines lois naturelles s’y expriment à un tel degré d’évidence qu’il est impossible de ruser avec les résultats.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 62.

Cécile Carret, 18 juin 2012
inverse

L’amour est le sens inverse de la vie. Toujours on va vers le néant.

Dominique de Roux, Immédiatement, La Table ronde, p. 169.

David Farreny, 24 août 2014
missive

Mais à qui écrire ? Personne en vue. Et pas d’enveloppe, pas de papier à lettres. J’ai quand même expédié ma première missive, je l’ai pliée en petit bateau, j’ai collé le timbre dessus et j’ai écrit : « Au premier qui la ramassera. » Ne restait plus qu’à ouvrir le vasistas et à la jeter, comme dans une boîte aux lettres.

Voilà comment cela s’est passé. Avec mon coauteur, la vodka, nous nous sommes peu à peu pris de passion pour la chose épistolaire.

Sigismund Krzyzanowski, Rue Involontaire, Verdier, p. 14.

Cécile Carret, 6 mai 2024

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