situer

Non, les mots ne sont pas faits pour désigner les choses. Ils sont là pour nous situer parmi les choses. Si on les voit comme des désignations, on montre qu’on a l’idée la plus pauvre du langage. La plus commune aussi. C’est le combat, mais depuis toujours, du poème contre le signe.

Henri Meschonnic, Célébration de la poésie, Verdier, p. 249.

David Farreny, 2 sept. 2002
raison

Non, ne faites pas attention, je perds la tête maintenant, mais je n’ai pas de raison précise.

Georges Bataille, Le bleu du ciel, Gallimard, p. 44.

David Farreny, 15 juin 2004
mobiles

Il y aura un plaisir supplémentaire à triompher et à s’enivrer de ce dont la plupart s’ennuient. Pour lire les Classiques, tous les mobiles sont bons, car ils ne trompent, n’abusent, ni ne déçoivent ; on peut donc déjà recommander de les lire par vanité.

Roland Barthes, « Plaisir aux classiques », Œuvres complètes (1), Seuil, p. 57.

David Farreny, 11 sept. 2004
raideur

— Pas de lettre ?

— Elles se chauffent au bord de la route, répondait le postier en soufflant sur ses doigts.

Le courrier ne passait plus depuis dix jours. C’était vraiment la lune ici. Nous nous y trouvions bien. Mes élèves me laissaient quand même du temps pour travailler. J’essayais d’écrire, péniblement.

Le départ est comme une nouvelle naissance et mon monde était encore trop neuf pour se plier à une réflexion méthodique. Je n’avais ni liberté ni souplesse ; l’envie seulement, et la panique pure et simple. Je déchirais et recommençais vingt fois la même page sans parvenir à dépasser le point critique. Tout de même, à force de me buter et de pousser j’obtenais parfois pour un petit moment le plaisir de dire sans trop de raideur comme j’avais pensé. Puis je décrochais, la tête chaude, et regardais par la fenêtre notre dindon Antoine, une volaille décharnée que nous nous flattions d’engraisser pour Noël, tourner dans le jardin enneigé.

Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Payot & Rivages, p. 162.

Cécile Carret, 30 sept. 2007
erratique

La route, elle aussi, étroite, bleue, brillante de glace, tourne sans rime ni raison là où elle pourrait filer droit et prend par la plus forte pente les tertres qu’elle devrait éviter. Elle n’en fait qu’à sa tête. Le ciel, gouverné par vent d’ouest, vient de faire sa toilette, il est d’un bleu dur. Le froid – moins quinze degrés – tient tout le paysage comme dans un poing fermé. Il faut conduire très lentement ; j’ai tout mon temps.

[…]

Par la fenêtre, je vois un couple de faisans picorer sur la route qui brille de tous ses lacets inutiles. Quand je lui ai demandé la raison de ce tracé erratique, il m’a répondu qu’ici, autrefois, les chemins étaient empierrés par les femmes qui n’aimaient pas que le vent les décoiffe ; quand il tournait, elles en faisaient autant. Cette explication m’a entièrement satisfait.

Nicolas Bouvier, Journal d’Aran et d’autres lieux, Payot & Rivages, p. 11.

Cécile Carret, 4 fév. 2008
voir

Mercredi – Pour réussir à voir ce que cache cette fenêtre, il faudrait allonger le cou et contourner le métro d’en face, sauter par-dessus la rambarde et attendre le moment où le soleil entrera dans la chambre. S’il arrive.

Jeudi – De la voiture encore, à la même heure mais sur un trajet différent. Tout voir brusquement à ras de terre, l’Art nouveau, la dentelle aux rideaux, les rideaux de fer et les Buttes-Chaumont (un crâne d’herbe).

Anne Savelli, Fenêtres. Open space, Le mot et le reste, p. 13.

Cécile Carret, 21 juil. 2008
colorées

Parce qu’il y a plein de choses partout, colorées, curieuses, intéressantes et qu’il est, qu’il serait plaisant de faire partager à quelqu’un au sort de qui l’on s’intéresse l’intérêt qu’on leur trouve. C’est mieux si l’agrément qui s’attache au temps qui passe, à ce qui arrive est partagé. De même qu’on supportera mieux le froid, le chagrin s’il y a un tiers qui trouve que ce n’est pas à rien qu’ils s’appliquent. À sa manière, il contribuera à supporter ce qui est lourd, cruel et ce le sera beaucoup moins.

Pierre Bergounioux, L’orphelin, Gallimard, p. 135.

Élisabeth Mazeron, 17 juin 2010
couvrir

Une fourrure, en fourrure, en fourrure de vison, en fausse fourrure rose, en noir, en brillant, se mettre au moins une culotte, pouvoir se mettre déjà une culotte pour commencer pour se couvrir, pour se couvrir, se mettre au moins un pull, au moins une laine, une écharpe, se le mettre sur soi, se couvrir, d’une petite culotte, d’une simple culotte de coton, pour se cacher les fesses, le sexe, ou au moins une jupe, une serviette autour des reins, une robe de chambre, un peignoir de coton, en serviette éponge, en éponge, blanc et rose, une simple couverture, se couvrir d’au moins une laine, une couverture de laine, et mettre une fourrure longue, d’un long manteau en poils de vison, de lapin, de renard, de ragondin, de rat d’Amérique, épais, couvrant, long, qui couvre les jambes et le dos et les reins, ou au moins avoir la possibilité de mettre, de se couvrir d’une petite culotte, de se vêtir, d’être couvert, d’avoir le sexe couvert, d’avoir les fesses couvertes, de se tenir, de se tenir debout avec sur soi au moins une petite culotte blanche de coton, une fine culotte de coton, et se couvrir des poils longs d’un vison, d’une bête, de la fourrure, du pelage d’une bête chaude pour ne plus pouvoir avoir froid, une fourrure qui tienne chaud par tous les temps, même s’il fait froid, une fourrure couvrante qui couvre les épaules, qui recouvre les épaules et le cou et la nuque et les reins, qui monte haut et qui descend bas presque jusqu’aux pieds, le long des jambes, recouvrant les genoux, plus bas que les genoux, au dessous des genoux, des chevilles au haut du cou enveloppe, tient chaud, réchauffe, entoure, ne laisse pas entrer le froid, l’air froid des blizzards et des tempêtes de froid et de neige, qui tienne chaud de haut en bas, qui ne laisse pas de froid entrer, ou simplement se mettre, pouvoir se couvrir d’une culotte, une petite culotte de coton, avoir une petite culotte à se mettre, un slip de bain, un bas, un bas quelconque, avoir de quoi se couvrir les fesses et le sexe, le pubis, le sexe, qui cache, couvre et habille et enveloppe, et dissimule, et fait se vêtir et fait s’être vêtu pour ne pas aller nu, pour ne pas aller nu.

Christophe Tarkos, Anachronisme, P.O.L., pp. 63-64.

Bilitis Farreny, 20 août 2010
frais

Pour manger frais ton pain rassis, fais un petit effort de mémoire.

Éric Chevillard, « mercredi 17 décembre 2014 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 17 déc. 2014
trottinette

Que fait ce galopin sur une trottinette ?

Éric Chevillard, « vendredi 15 janvier 2016 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 7 mars 2016

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